Jeudi 17 décembre 2020

La nuit tombe.
J’entre dans mon appartement où il n’y a personne. Il fait froid aujourd’hui pour une fin d’avril. Il est déjà 8h. J’ai faim. En préparant une salade, je réchauffe le curry, restant d’hier. Installée à la petite table dans la cuisine, je commence mon dîner tardif. Je n’entends que le tic-tac de la pendule. C’est samedi. Mon fils, chez son père depuis hier, reviendra demain soir.
::: Aki Shimazaki ; Suzuran

Nous nous retrouvons en bas ; j’ai deux ou trois minutes de retard, encore les yeux un peu humides d’exaspération. Tu me dis “mon compagnon” dans cette réponse à ma question sur la raison de ta venue dans cette ville. Je ressens alors un petit quelque chose : cela me fait plaisir pour toi. Sincèrement. Nous n’en reparlerons pas ; plus tard vous serez au bord de la mer. Nous n’en reparlerons pas mais il n’est pas impossible que cela explique l’aisance que j’aurai par la suite, comme libéré de nous, d’une certaine manière, même si ce ne sont que des mots, peut-être mal choisis. Et puis nous voilà chez moi. Tout au long du repas, je n’arrive pas à intégrer le fait que non, tu n’es jamais venu ici. Je crois que nos années de vie commune en sont la raison, chez moi serait encore forcément chez toi. C’est étrange. Parfois, alors, je dois te sembler bizarre, mais d’abord tu m’offres ce livre. Je n’avais pas pensé à cela, t’offrir quelque chose puisque bien entendu c’est la période. À croire que j’avais oublié combien tu y tenais, à ce genre de petites attentions et combien tu en étais, plus souvent de que moi, l’auteur. Cela ne m’a pas effleuré, peut-être parce qu’il y a cette distance que tu mets dans les mots. Toujours tu m’écris “Bonjour”, comme si la solennité était ce qu’il restait de nous, mais ce n’est là qu’une option parmi tant d’autres. Cela ne m’a pas effleuré et tu as pu penser que cela ne t’étonnait pas : cela me ressemblait bien.