Mardi 30 mars 2021

A la fin de chaque film regardé sur Mubi, il est possible d’attribuer une note, c’est-à-dire entre 1 et 5 étoiles. Je n’aime pas vraiment cela, mais je me prête au jeu la plupart du temps, plus pour me rappeler vaguement quelque chose que pour noter réellement. Le problème des notes c’est de savoir ce que l’on note. Où je me situe lorsque je clique sur l’une des étoiles ? Suis-je pur spectateur ou bien, détaché de moi, suis-je reconnaissant que le réalisateur tente de nous emmener quelque part ? Suis-je dans le plaisir ou l’analyse ? Dans l’émotion ou le regard ? Dans un fauteuil ou dans le film ? 

L’un et l’autre. Ni l’un ni l’autre. Ca dépend. Ainsi Les Coquillettes de Sophie Letourneur subissent-elles deux étoiles (et je me suis retenu de n’en mettre qu’une) : parce que je trouve que certains personnages sont tellement pathétiques que c’est à mon avis un cinéma gênant et vain, ou parce que le scénario n’a aucun intérêt et que le parti pris du montage fait que ça radote ?

Ainsi Taipei Story d’Ang Lee a-t-il cinq étoiles : parce que j’étais disposé à m’y plonger ou parce que c’est un putain de chef d’œuvre ?

Ce soir, j’ai mis trois étoiles. Parce que je n’ai pas su s’il en fallait une ou cinq. Ce soir, j’ai à nouveau essayé de regarder Atlas, d’Antoine d’Agata. Je n’y suis pas parvenu entièrement. Chez moi, là, sur mon canapé, dans ma solitude, c’était impossible de regarder cela, ce rythme, ce monde, ces images, belles, magnifiques évidemment, oui, mais il me fallait une salle de cinéma, il me fallait m’enfermer, comme déjà je l’ai écrit pour un Philippe Garrel silencieux, il me fallait me retenir, m’enchaîner peut-être. J’aurais pu mettre cinq étoiles pour la pureté, pour cette manière de nous attraper par le col et de nous dire : “Regarde ! Mais regarde ! Regarde-les“. J’aurais pu mettre une étoile, pour le trop : le trop beau, trop propre, trop écrit, trop articulé, trop “Regarde ! Regarde-moi !“.

Mais peut-être que l’auteur en préfèrerait 1 plutôt que 3. Peut-être qu’il attend qu’on se crispe, qu’on s’agace. Peut-être que j’attends aussi cela du cinéma, qu’il aille quelque part, mais pas dans des eaux tièdes. Alors Letourneur, twelve points finalement ?