Je crois qu’il n’y a qu’avec toi, réellement, que nous allons aussi loin dans ce qui nous traverse, et dans ce que l’autre peut nous apporter. Encore une fois, tu attends de moi un regard, des réponses, quelque chose qui fait avancer ce qui stagne ou recule ou tournoie. Je suis un confident, un peu. Je suis le seul à savoir, parfois. Je suis celui à qui tu as fait suivre cette lettre, il y a un an peut-être, toi-même ne l’avais pas lue. En quittant la chambre d’hôtes, au matin de ce samedi, avant que nous découvrions la joliesse de la région, telle abbatiale, telle bastide, telle petite boutique où l’on m’offre un collier alors que c’est toi qui a dépensé, les propriétaires ont dû nous croire ensemble. Alors j’ai glissé que le soir, nos chemins se sépareraient. J’aurais pourtant aimé qu’ils se prolongent encore : nous partageons quelque chose qui n’existe pas ailleurs. Je me souviens d’un jour où je m’étais demandé ce qu’il pourrait advenir de nous : je n’y croyais pas trop. Je n’imaginais pas, quoi qu’il en soit, que dix ou douze ans plus tard nous serions encore là, ainsi près l’un de l’autre, dans une intimité rare.
Ainsi, au bord de la rivière, dans cet horizon vert et rafraichissant, nos histoires attendent une oreille, des mots, une piste ou une confirmation. Je ne suis pas sûr, pour ma part, d’attendre des réponses. J’ai l’impression, mais j’ai peut-être tort, que je les ai déjà. Mais l’eau y est parfaite, et le courant léger.