Alors la dame s’approche et dit à Christine Ferrand, venue nous parler de “sa” rentrée littéraire, que ça suffit avec Christine Angot, que la littérature ce n’est pas de la psychanalyse. Je souris, sans trop la regarder, car j’ai ce côté agaçant, que je n’arrive pas à contrôler, de ne pas regarder les gens quand je leur parle mais parfois j’y pense, alors mes yeux se posent dans les leurs. Et donc je lui réponds, à la dame, qu’il y a une place pour Christine Angot, et je déroule un peu, je ne vois pas pourquoi la littérature ne pourrait pas être ça aussi et je défends l’idée qu’elle aille au bout, jusqu’au bout de son sujet, et qu’elle l’étreigne encore, encore.
Le déjeuner suit, j’ai accepté d’accompagner M, J et et l’invitée, on ne parle pas que de livres, il fera un peu froid alors on rentrera et je choisis un plat qui se mange avec les doigts, c’est un peu gênant, c’est surtout un peu gras. On parle aussi du Japon, des projets, de l’expo de mars, c’est presque demain.
Et puis voilà le soir, spectacle Larsen C, de Christos Papadopoulos, c’est beau, c’est beau, c’est beau ces lumières, ces mouvements, les bras là ainsi, c’est beau comme ils glissent et s’en vont, reviennent et nous regardent, les yeux grands ouverts, mais nous regardent-ils ? N’est-ce pas plutôt le vide ? A côté de moi il y a S, nous nous sommes retrouvés là, par hasard. Je l’aime bien, S, nous nous connaissons peu, mais nous avons partagés, ainsi nous le rappelons nous, un peu la même passion, un peu au même moment, un peu sur la même durée. En attendant le début du spectacle, nous parlons surtout de ses craintes et de péripéties médicales dont on préfère sourire. Derrière nous il y a un couple. Je crois qu’ils ne disent rien, peut-être qu’ils nous écoutent. En sortant du spectacle, puis à l’arrêt du tram, puis dans la rame, je les retrouverai, silencieux, encore. N’est-ce pas plutôt le vide ?