Oui, j’avais emmené cet enfant, Ulysse, à la plage.. J’avais également vu qu’une chèvre était tombée du haut de la falaise, s’était fracassée sur les galets. Elle était morte. Alors j’ai eu envie de faire ce que j’aimais faire, ce que j’appelais des compositions. La chèvre est au premier plan, le petit garçon assis sur les galets. Et puis j’ai demandé à Fouli Elia de poser nu de dos devant la mer. Ils sont comme ça, en diagonale, dans une image très propre. J’étais très contente de cela, parce que j’aimais beaucoup l’idée qu’on peut reconstituer une histoire qui n’est ni expliquée, ni explicable, mais qui est faite pour susciter l’imagination. On imagine des choses sur cette chèvre, sur cet enfant, ou bien sur cet homme de dos qui regarde la mer. “Homme libre, toujours tu chériras la mer”, le besoin du voyage ou encore le mythe d’Ulysse dans l’Odyssée, il y a toute une iconographie psychologique qui existe autrou de cela. J’ai fait cette photographie, je ne l’ai pas exposée, ni vendue. Elle n’apparaissait nulle part, elle était seulement chez moi.
::: Agnès Varda ; Entretien avec Clément Chéroux in “La Voix du voir”