Plus loin, la mer a surgi d’entre les arbres courbés par le vent. J’ai ralenti l’allure devant une pancarte indiquant la première plage venue : l’icône d’un parasol suivi d’un cornet de glace. Sans réfléchir en vérité, j’ai pris d’office la sortie d’autoroute pour gagner la voie de raccordement, une zone de travaux, ou supposée telle, car plus rien n’était indiqué, cette fois. Ni panneau routier, ni balise de chantier, seulement un avertissement : Attention, sortie de camions. En italien. Mais je ne parle pas l’italien, ou si peu. De là, bifurquant vers la droite, nous avons roulé sur un chemin de terre battue, bordé par une végétation luxuriante. Sans que cela inquiète Luisa, qui, cependant, m’a demandé ce qu’on faisait sur cette piste.
::: Yves Ravey; Taormine
Il y en a par dizaines, partout, comme un paysage inédit dans ces bois tant arpentés, tant et tant de couleurs, ça va du blanc au brun sombre, les jaunes c’est toute la palette, les rouges les plus vifs sont tachetés de blanc. Je cherche ceux, facilement reconnaissables, qui sont comestibles. La lumière est belle, mais presque elle m’éblouit dans l’exercice difficile d’y voir clairement pour ne pas en louper, des cèpes. Je suis seul, là, je pense à mon père, toujours en descendant dans les bois chercher des champignons je penserai à mon père, à ce mélange de fierté et de joie qu’il avait en m’appelant “Eh viens voir” dès qu’il en trouvait qui, dirais-je, avaient de la gueule parce qu’ils étaient plusieurs, parce qu’ils étaient intacts, parce qu’ils se cachaient un peu. Maman dit que le vrai plaisir c’est de les trouver. Il l’avait, ce plaisir, tout comme je l’ai aussi, bien que j’aime descendre dans les bois en toute saison ; c’est ma respiration, parfois brève, le temps d’un “ça me suffit”.