Elle dit, de sa voix fragile, les mots de la mort à venir. C’est quand elle dit qu’ils n’ont pas fini de fumer leurs gitanes qu’elle se met à pleurer. Elle dit qu’elle ne peut pas. Mais Sophie insiste. Elle essaye mais non. Sophie insiste encore. Et puis elle peut.
Voilà. Nous revoilà, pour lire. Lire ensemble mais les uns après les autres, un ensemble qui s’écoute mutuellement. Je suis le troisième à passer. Avant moi il y a S et sa voix qui vient des montagnes. C’est là, justement, qu’elle nous emmène.
Comme la première fois, j’ai envoyé deux textes : j’avais furieusement envie de dire les deux premières pages de L’Amant, celles du visage dévasté. Et puis, Belezi. Les premières pages, là aussi, du magistral Arracher la terre et le soleil. Moins facile que Duras, alors c’est Belezi. Là encore c’est la mort qui attend. Au début, dans ces premières pages, ça ne le dit pas : ça dit le temps, l’attente, la traversée, en deux pages Belezi arrive à nous faire vivre des jours interminables. Alors il faut aller lentement. Ma voix est plus basse que pour le Rouchon-Borie : le texte la déplace ; j’aime. J’aime où la lecture à voix haute m’emmène. J’aime la sensation quand ça vient de là, du ventre. J’aime ma lutte pour me concentrer sur les mots afin de les voir et les faire voir. On me regarde. On m’écoute surtout, certaines ont les yeux fermés.