L’homme est là. Je ne sais plus son prénom. Il est là presque tous les jours maintenant, devant la supérette où je fais régulièrement mes courses. Je crois que c’est l’été dernier que j’ai commencé à m’arrêter quelquefois, je lui achetais des crevettes, une bouteille de rosé dont il connaissait le prix, 3euros51 peut-être. Elle, elle préférait le saumon, elle était là parfois aussi. J’avais su son prénom, aussi, ou plutôt je crois que je ne l’avais pas très bien compris, elle est tchèque. Parfois on parle un peu, la dernière fois il s’était étonné de mon pantalon, il m’avait demandé si j’allais à la messe, elle était là aussi. Il ne croit pas, mais il y va parfois, pour elle, pour sa maladie. Je l’avais mieux regardée, ça crevait les yeux.
Je ne sais pas si c’est un couple. C’en est un quoi qu’il en soit, enfin je veux dire, heu… une forme de.
Depuis quelque temps elle n’est plus là. Je vais le voir, lui, seul, je lui demande s’il veut quelque chose. Je lui dis : “Ça fait un certain temps que tu es seul…” Elle est hospitalisée. Elle a eu le Covid. Pas compatible avec le reste : cirrhose, VIH, cancer. C’est la patronne de la supérette qui avait appelé le Samu, elle avait bien vu que ça n’allait pas du tout. Depuis elle remonte la pente. Doucement.
Pourtant, je voulais parler de toi, aussi, toi qui soudain dans le jour apparais.