Il fait chaud dans le cimetière de la Chapelle-des-Pots ; sous le soleil, des pleurs. [J’hésite à écrire “C’est un soleil de pleurs”, je trouve ça presque trop beau.] Les cendres de ma sœur seront dorénavant là. Comme je viens de temps en temps, je viendrai la voir. Il n’y aura rien à nettoyer, quelques feuilles peut-être, le passé peut-être aussi, le nettoyer des peurs, des pleurs, des absences, de ce qu’on ne s’est jamais dit. Sur la tombe de mes grands-parents, c’est autre chose, il y a toujours ces traces noires sur le marbre anthracite. Parfois je nettoie, je dis ça à ma cousine sous le soleil d’aujourd’hui, à ses parents, ils sont surpris je crois. Quand c’est trop sale, je nettoie, ça a dû arriver deux ou trois fois, évidement à chaque fois je n’avais pas prévu, je n’ai rien sur moi, je me débrouille. A chaque fois, j’hésite à jeter les plaques laissées par le frère de mon grand-père. Ça n’a rien à faire là, je me dis. Une fois, avec maman, on a nettoyé ensemble. C’est aussi ainsi qu’on sait être ensemble tous les deux, dans la présence des morts.
Devant la tombe de ma sœur il y a peu de mots, on a peut-être déjà tout dit le 14 février, même dans les silences et les gorges serrées, moi j’ai déjà beaucoup dit, beaucoup donné ce jour-là, ça suffit je crois. Nous sommes en petit comité et il y a surtout la douleur d’Olivier. Je crois que mon corps n’a plus de place aujourd’hui pour des émotions, en tout cas pas ce genre. Un peu plus tôt j’ai retrouvé un peu d’air au milieu du tsunami qui recouvre mon agenda, j’ai dit “Non”, ou plutôt “Plus tard”, pas là, pas le 18, pas comme ça. C’était trop. Trop.
Et puis la nuit arrive, maman et moi on a ce goût en commun, peu exprimé, d’aimer regarder les étoiles. Alors on insiste, mais le ciel est couvert. Au loin, il y a tout de même de quoi dire « C’est quoi ça là-bas, tu vois ? »