Jeudi 31
Après 4 heures à faire le gardien de tableaux colorés, il me fallait voir autre chose. Mais ce fut encore et toujours tardivement le même quartier, les mêmes rues arpentées en me disant que peut-être j’y verrai, oui, autre chose, d’autres lignes, d’autres perspectives, d’autres silhouettes derrière les bâches et les vitrines. Quoi qu’il en soit à présent y a des yaourts dans le frigo.
Mercredi 30
Mais tu n’es pas ma soeur. Tu ne l’as jamais été. Nous n’avons pas joué, mangé, dormi ensemble. Je ne t’ai jamais touchée, embrassée. Je ne connais pas la couleur de tes yeux. Je ne t’ai jamais vue. Tu es sans corps, sans voix, juste une image plate sur quelques photos en noir et blanc. Je n’ai pas de mémoire de toi. Tu étais déjà morte depuis deux ans et demi quand je suis née. Tu es l’enfant du ciel, la petite fille invisible dont on ne parlati jamais, l’absente de toutes les conversations. Le secret.
Le dernier livre d’Annie Ernaux reste du Annie Ernaux – des souvenirs, nets ou flous, et une certaine analyse – mais c’est peut-être la plus belle chose que j’aie lu de cet auteur. C’est doux, délicatement triste, fataliste et interrogatif, éteint et lumineux, ça se lit et se relit et puis le soir c’est encore la mort, celle d’un homme de 85 ans, alors un peu de travail, un peu d’attente, et je retrouve plus tard que prévu MG et JL, dans un autre bar que prévu, mais avait-on vraiment prévu un bar ?
Mardi 29
C’est complet. – C’est complet ? – Oui c’est complet. – Sur l’écran : COMPLET. Je m’en étonne, mais le comprendrai deux heures trente plus tard, en voyant la petite salle de 60 places. Complet alors c’est mini tournée des bars. Mini tournée car les Souffleurs sont fermés. Au Duplex si peu de monde que les poum poum ne couvrent pas les bla bla ; tant mieux. Un autre tant mieux à la sortie du film, tant mieux de ne pas avoir été démotivés par ce COMPLET et son contretemps pour “We want sex equality”, film anglais, so brittish indeed, film charmant, touchant, intéressant, amusant mais tellement sérieux [Soixante-huit c’était hier pam pam pam, pam pam pam, on bouffait du riz cantonnais…]
PS. “De façon phatique“. De façon quoi ?
Lundi 28
Rien ? Presque rien : attendre.
Dimanche 27
Le matin je me pousse tôt du lit ; ne me parlez pas de ce changement d’heure. Dans la rue Montorgueil je rêvasse et j’hésite, fais la moue face à Pierre L., choisis finalement des tartelettes tomate-basilic. C’est une bonne idée ce brunch : je ne profite pas assez souvent de l’ambiance dominico-matinale des artères piétonnes et commerçantes.
Le soir, je me couche tôt aussi ; Miss Carlotti et Cie nous offrent un ACR, deux ans et cinq jours après ce souvenir d’un hôtel du 16ème et de quelques bulles de trop. Dans le bain je rêvasse mais hésitè-je ? Point de moue.
Entre ces moments, de tout et des riens, des essais de lunettes, la tentation d’un tee-shirt, les yeux sur des vitrines… et toujours la lecture de L’occupation. Comme je l’écrirai quelques jours plus tard à Mister fine bouche, on a l’impression qu’Annie Ernaux se débarrasse du livre pour se débarrasser plus vite du sujet, de cette jalousie, de cette douleur. L’écriture est froide, presque désagréable, je l’ai connue plus douce, plus glissante, comme si là, dans ces 65 pages, l’usage du point me lassait, comme si les sauts de lignes entre paragraphes étaient à l’image d’un certain vide ressenti à la lecture. Il faut croire que c’était la journée de la ponctuation, avec tous ces signes, de suspension, d’interrogation, d’exclamation… et le point-virgule aussi, ce duo entre l’arrêt et le glissement, entre la reprise du souffle et le ton qui baisse.
Samedi 26
Kyoto reste un projet, malgré tout, malgré ce qu’on lit, ce qu’on entend, ce qu’on craint. D’ici août, après tout, où en serons-nous ? Sera-ce moindre ou pire ? Nous n’en savons rien. Alors je prépare ce séjour, plein d’espoir… et le billet aller-retour Paris-Osaka est au bout du clavier de l’agence…
Puis deux musées. Le musée d’Art moderne avec “General Idea“, expo incroyable : impossible de résumer en trois lignes le travail de ces trois énergumènes à la folie douce… douce comme du poil de caniche ? Et puis le Palais de Tokyo avec une exceptionnelle exposition avant une vente chez Christie’s de mobilier principalement Art déco (on pouvait y voir également la fameuse chambre au nénuphars de Majorelle).
Enfin une dernière invitation au voyage sur l’écran du Nouveau Latina : L’étrange affaire Angélica, de Manoel de Oliveira. Il faudra que je me penche sur le cinéma portugais, pour comprendre cette manière de poser et peser les phrases et les dialogues… cette diction… ce jeu poussé (poussif ?)…
Film naïf baigné par des regards d’enfants (ceux du photographe et de Justina en particulier), cette étrange affaire porte bien son nom. Alors, j’ai préféré m’intéresser au rôle de la photographie dans le film : le regard du personnage principal, son besoin de témoigner des choses en déclin, son oeil tout simplement. Vous savez, grâce à la photo, on ne s’ennuie jamais !
Vendredi 25
Rue Labat, tout n’est pas neuf mais tout peut être sauvage… Parfois mes références musicales sont encore baignées de mon adolescence de Top 50. Sur l’écran de la télé défilent des titres de toutes les époques tandis que Steph’ s’esbaudit pour Pierre Lapointe. Du progrès ?
Jeudi 24
Elles montent dans la rame, elles sont deux, peut-être 18 ans mais elles en font 19. Celle vêtue d’un tee-shirt marin à manches longues parle tout bas ; c’est l’autre qui accroche mon regard, de bas en haut. Ongles de pieds bleu pétrole ; sandalettes de cuir noir à franges et clous ; robe légère, noire, constellée de motifs blancs comme des petits nuages ; perfecto aux épaules recouvertes par ses longs cheveux d’un blond approximatif. L’attitude est plutôt vulgaire. Et puis ces bijoux, tous ces bijoux en argent…
De sa grosse bouche sort alors cette phrase “Oh mais moi j’comprends rien à tous ces discours écolo-politico… pfff“.
J’ai dit vulgaire ?
Autre lieu, autre mots… La carte d’infidélite (oui oui) de chez Colette Kerber avait été joliment remplie, et je bénéficiais d’un réduction de 6,80 euros sur les achats du soir : Ce qu’aimer veut dire de Mathieu Lindon que j’offrirais le lendemain, le Photopoche de Tendance Floue et enfin L’autre Fille. “Ca vous fait le Annie Ernaux gratuit” me dit-elle en souriant. C’est évident : elle sourit tout le temps. J’en fis de même.
Mercredi 23
Je me souviens de cette espèce de fierté d’avoir vu autre chose, une évidence du noir et blanc, un plaisir peut-être un peu condescendant face au cinéma de madame tout le monde, l’impression d’avoir fait quelque chose d’important. C’était “Soudain l’été dernier“, mais je ne sais plus exactement quand c’était, mais sûrement cette période pendant laquelle j’ai découvert Mankiewitz ou Cassavettes, tardivement, tardivement sur la pendule et au vu du nombre d’années déjà derrière moi, au moins vingt. Aujourd’hui le visage de Liz Taylor s’est figé comme il se figera demain sur les premières pages des quotidiens. Soudain l’éternité.
Mardi 22
Et puis dans mon sac, glisser L’occupation, d’Annie Ernaux. Les petites ouvrages se suivent mais ne se ressemblent pas, en dehors de leur point commun notable : ils sont tous inspirés de faits réels voire, comme dans le cas présent, ne sont que des faits réels.
Aux premiers mots, je réalise que l’histoire est celle qui a inspiré le flm L’autre. Les images reviennent et je pose alors sur les pages le visage triste et déterminé de Dominique Blanc.
Lundi 21
“Dis donc mon salaud tu aurais pas oublié mon anniversaire !?!?“. Le SMS tardif pointe la déception, mais je répond que je ne l’ai pas oublié, que j’ai juste été dépassé par cette idée de printemps et ce retour aux manches qu’il faut relever, que j’ai repoussé à plus tard, vraisemblablement beaucoup trop tard pour presque l’oublier, un message, une petite flamme virtuelle au bout d’un objet de cire.
Dimanche 20
Besoin d’Internet. Mais panne. Re-panne. Insupportables à-coups. Pour la participation de 12h. A 18h ça a l’air de marcher parfaitement mais plus tard pour les résultats re-belote… Ca rend définitivement l’âme au dernier clic : coup de bol relatif… Entre les deux il a fait beau, si beau, frais à l’ombre ou à cette terrasse n’est-ce-pas, à cette saison il fait toujours froid à l’ombre… quoi que la saison en question est un peu en avance non ?
En revanche j’étais un peu en retard chez X ; nous ne sommes plus du même quartier, nous n’irons plus boire un café au Progrès, je ne pousserai plus la lourde grille rue de Turenne. J’arrive la bouteille à la main, sans avoir pensé à la moindre cacahuète. Il est au milieu des cartons et des modes d’emploi suédois. Quand je repars la bouteille est vide, la soeurette arrivée juste à temps pour un fond de verre…
Et au retour dans le métro une photo pas prise : jeune fille brune et pensive, gros casque blanc sur les oreilles, quelle musique pouvait bien en sortir ? Elle tenait un ballon : une énorme tête de Minnie, brillant sous l’éclairage artificiel du quai puis de la rame.
Samedi 19
– Alors tu as vu quoi de beau ?
– Boh…
Je ne sais pas toujours quoi répondre à cette question. Là, lors de ce moment, je ne pense pas avoir vu quoi que ce soit de beau. La preuve ci-dessous, ou dans ce que je ne montre pas. Mais était-ce le but, de chercher du beau ? Le but était surtout de compléter et compléter encore ce lot de photos, cette série et de mettre de plus en plus d’images sur cette idée, cette envie, ce besoin de montrer, de me rappeler, de chercher… et finalement d’obtenir parfois quelque chose d’autre, de radical, de conceptuel (permets-moi de reprendre tes mots que j’ai lu et que je relis encore pour m’en imprégner… voire les comprendre). Je crois que la réponse est dans le mélange, la mixité, une sorte d’ambivalence entre le radical et l’évidence, la rigueur et la douceur, la rouille et les souvenirs heureux.
Et puis le train. Retour vers Paris, avec principalement la lecture du dernier Laurent Mauvignier, Ce que j’appelle oubli, 60 pages – après Echenoz, décidément… Mais cette fois on n’est pas chez Echenoz : on ne rigole pas un instant, on ne sourit pas, on prend dans la gueule un texte sans points, un texte sans points comme un homme sans souffle, sans points sauf d’interrogations quelquefois, parce que c’est forcément plein de questions une histoire pareille.
et ce que le procureur a dit, c’est qu’un homme ne doit pas mourir pour si peu
Vendredi 18
Je suis à la campagne, G est en campagne. Je rejoins donc la ville tandis qu’il quitte la sienne le temps d’un déjeuner délicat et parfumé, à une table que l’on m’avait conseillée. A juste titre.
On évoque ceci ou cela, les petits mots et les petites phrases, les détails, les poussières qu’on glisse sous les tapis, les projets, les images, les petites histoires qui parfois prennent un H majuscule au bout des années. Une fois le repas passé, des pas sur la passerelle, je reprends les histoires espacées, histoires d’A, quelles autres lettres ?
Jeudi 17
Mon corps, soit sous l’effet de la jouissance, soit sous l’effet de la douleur, est mis dans un état de théâtralité , de paroxysme, qu’il me plairait de reproduire, de quelques façons que ce soit : photo, film, bande-son.
Première phrase du premier livre d’Hervé Guibert : La mort propagande. Le visage est beau sur la couverture, le visage est angélique mais les mots qui suivent sont comme diaboliques. Ceux d’un homme de 21 ou 22 ans qui crache alors tout ce qu’il peut. Tout, oui tout : je ne peux pas reproduire ici les mots qui suivent et que j’évoque. Les pages qui suivront seront-elles autant… ? autant… je ne trouve pas les mots. Les ouvrages qui suivront, en tous les cas ceux que j’ai déjà lus, ne seront pas autant… autant… non, je ne trouve pas les mots.
Mercredi 16
… Mince j’ai oublié les photos…
Mardi 15
Deux ans plus tard, je suis dans le train et j’écris. J’écris alors sur une autre histoire : celle-ci, ça va faire dix ans. Dix ans dans 17 jours. Dix ans dans quelques mois aussi, le virage de l’histoire, Barcelone, la page qui se tourne et une génération qui s’envole.
Deux ans plus tôt, c’était hier, un doute sur l’heure et je recherche ce SMS que j’ai forcément conservé. 17h57. Tu comprends : ce téléphone est plein de souvenirs. A 17h57 j’allais être un peu en retard. Pas trop je crois.
Voilà, je suis dans le train et je me plonge dans les vieux SMS, incroyable floppée conservée pour des raisons que j’ignore… Le 16/10/08 à 18h37 par exemple : “Suis en retard de 10 min. À tout de suite”. Clic. Supprimer ? Oui.
Et puis des regards suivis de quelques mots : “Je n’aime pas les incertitudes“, etc. Mais ça aussi c’est une autre histoire…
Lundi 14
J’ai noté le nom des villages gersois sur une feuille ou ailleurs. Mais où ? Je les ai oubliés. Laissez-moi réfléchir… Fleurcès ? Sarrelingle ? Ah voilà, merci l’office de tourisme du Gers : Fourcès et Larressingle. L’un puis l’autre village, joliment sans touristes à cette époque, nous ont offert un moment de calme, d’étonnement, d’éclats de rires et de sourires… de paix peut-être, de recueillement aussi, osons un tour au cimetière. Dans ce cimetière aussi il y a évidemment des oubliés, me voici donc qui photographie les croix rouillées et les ciments nus, avec toujours cette idée en tête d’en faire quelque chose…
JLM reparti d’un quai de gare plus tardif que prévu, les deux rescapés de ce week-end partent s’empifrer, moment gras presque extrême avant le ciné, pour une séance à l’opposé du gras et de l’oppulence, un cinéma sec où la pauvreté envahit l’écran. Pauvreté des hommes, des paroles, des effets, des couleurs et des esprits. Les armes, la corruption, le froid, les routes interminables… Mais l’image est riche, belle, parfois lumineuse ; il faudra que je cherche le nom du directeur de la photographie… De très belles scènes aussi, dures mais belles, la scène centrale en particulier que j’aurais manquée si je m’étais réveillé plus tard – oui j’ai dormi un assez court moment. Reste qu’il faut tout de même gratter sous la neige et le sang séché pour trouver un peu d’humanité dans tout cela…
My Joy, film russe, film rude, âpre, rigoureux mais fort, presque trop fort. Je pense à ma seule référence en cinéma russe contemporain (Aleksandra de Sokourov) et je me dis que la cinéphilie, parfois, c’est tout même moins drôle que les faux karatéka de Fourcès.
Et puis, enfin, la tête sur l’oreiller, commencer à lire une page du “Jérôme Lindon” de Jean Echenoz. Puis une deuxième. Une troisième. Les paupières sont lourdes mais l’écriture légère, elle m’emporte, et je referme avant même de m’endormir ces 60 pages de vie(s). Superbe hommage. Je me dis que résumer vingt-deux ans en soixante pages c’est tentant… Je te l’écris. Qu’en penses-tu ?
Dimanche 13
Des femmes qui visitent les musées ? J’en ai fait quelques photos, à Chamarande, au Louvre ou ailleurs. C’est toujours amusant les regards, les démarches…
Le photographe dont je ne dirai pas le nom a lui aussi trouvé dans les postures un sujet intéressant. Il en a donc fait une série… Les visiteuses… que l’on peut voir en ce moment près d’Agen. Soupirs. Soupirs ? Oui. Terrible déception. À mes yeux, une seule photo était belle, délicate, une main posée sur un bras nu, débardeur blanc devant un nu justement. Une ou deux photos étaient bien, correspondances de couleurs… Mais les tirages… mal calibrés, trop sombres. Je ne parle pas des cadrages, libre au photographe de faire des photos confuses… Et puis… le blabla technique qui se termine en annonçant le prix des clichés : 150 euros pièce pour ça. Non. Juste non.
C’était malgré cela une bien belle journée…
Samedi 12
Lectoure. Retour. La petite ville du Gers nous offre dorénavant une édition hivernale dans son tout nouveau centre photographique : belle occasion d’aller retrouver les trois Aquitains.
Lectoure. Un lieu, quatre euros, trois auteurs, un thème : la vie rurale. De l’ancien d’abord avec les paysans de Raymond Depardon et les paysages de Jacques Damez. Belles images du premier, joli concept du deuxième… et puis ?
Et puis on monta l’escalier. Un premier portrait, un deuxième… des grands formats de Frédéric Nauczyciel. Splendides.
Le lendemain j’écris.
Aujourd’hui je copie-colle :
“[…] portraits d’une modernité évidente mais d’un emprunt et d’une empreinte classiques merveilleux, de clairs-obscurs en personnages d’un autre temps avec ce moine par exemple. La ville était étonnemment vide et presque sans vie en ce week-end de vacances scolaires, boutiques fermées à quelques exceptions près, passants rares…”
Français approximatif à vouloir jouer sur avec les mots mais tout à fait ça.
Vendredi 11
Dix heures. Un café rapide dans le troquet d’à côté pour finaliser tout ça. Mon regard se pose sur le téléviseur. Mon visage se fige. Je n’écoute plus ce qu’il me dit. “T’es pas au courant ? Y a eu un tremblement de terre au Japon et un tsunami, c’est une horreur“. Non je ne suis pas au courant, je n’ai pas écouté les infos ce matin, je n’ai même pas jeté un oeil à Internet… L’émotion m’envahit, je me contiens, me tiens au comptoir. Le pays de mes rêves et de mon projet estival est devenu le pays du cauchemar.
Jeudi 10
Parfois, même sur viedemerde.fr, se glisse une certaine poésie derrière la misère humaine :
Mon patron a toujours la même habitude en période de recrutement : il regarde la pile de CV, puis en retire la moitié et la met à la poubelle en disant : “Je ne veux pas travailler avec des gens malchanceux.”
Moi j’ai toujours la même habitude en période de pré-vacances : je regarde la pile de boulot et… j’ai comme envie de me jeter dans la poubelle.
Mercredi 9
Ma véritable mère était morte peu après ma naissance. Elle avait gratté un bouton qu’elle avait dans le nez, et les microbes étaient rentrés par là. […]
J’avais toujours très peur d’aller chez l’oto-rhyno-laryngologiste. Lorsqu’on enfonçait dans mon nez bizarrement retroussé un tube métallique manifestement trop long pour lui, je ne pouvais pas échapper à la crainte de le voir aller trop loin et transpercer mon cerveau.
Je n’avais aucun souvenir de ma vraie mère. Je ne savais pas ce qu’était une mère. Jusqu’à son apparition, pour moi, une mère, c’était une sensation métallique au fond de mon nez.
Yoko Ogawa – L’esprit du sommeil, nouvelle extraite du recueil Tristes revanches.
Mardi 8
J’ai récupéré les clés dans un dernier dîner amusé, amusant ; G est de retour chez F. Ci vediamo… Dans le métro je feuillette je ne sais quoi, lis peut-être vaguement ce recueil de nouvelles, et là-bas il parle, mais je ne l’entends pas. Le bruit du métro couvre la voix, que je suppose volontairement basse. J’imagine qu’il parle dans une langue étrangère. Peut-être slave. Ou anglo-saxonne. À côté de lui, l’autre est très près, j’avais remarqué ce visage difficile sur le quai. Leurs jambes sont-elles croisées ? Enchevêtrement confus. Qui sont-ils l’un pour l’autre ? Question en l’air pour une attitude étrange, proche et distante à la fois. Proche et distante ?
Lundi 7
J’avais encore en tête cette envie de lieu ; j’ai revu les photos. J’avais oublié que j’avais essayé quelque chose de plus brut, exceptionnellement en noir et blanc. Ca vous étonne ? Moi aussi. Tellement bien que je les ai partagées.
Le soir, Paris nocturne et italien approximatif… et vice-versa.
Dimanche 6
La sortie au Tango la veille avait était étonnante, trois ans sans y aller… La sortie au Tango la veille avait été raisonnable, alors à un horaire relativement tôt j’entraînais Giuseppe vers autre chose que le Paris montmartro-eiffelien. Métro Jasmin, je lui montre un peu de ces façades délicates : l’Hôtel Mezzara, le Castel Béranger, la rue Agar…
Plus tard, assis sur des gradins peu confortables, en face des yeux un écran et autour de l’écran une salle d’exposition dans laquelle on va, on vient. Loin d’être idéal pour voir un film, surtout un film à écouter avec attention, paroles fascinantes, rapportées de séances de spiritisme de la fin du 19ème siècle. “Des Indes à la planète Mars” s’est vu maltraité par le lieu et l’ambiance, dommage pour ce film fort sur la frontière entre le réel et l’irréel, entre le vécu et l’impossible, porté par des voix, des mots, une mise en scène parfaite qui joue justement sur la limite entre fiction et réalité.
Samedi 5
Un rouge à 11h30, une ficelle picarde et du filet mignon au maroilles, quelques rues un peu vides et trop fraîches, douze cadres accrochés au 5 bis, un journaliste, une dizaine de curieux, un grand sourire en manteau rouge, une retrouvaille ou deux, de jolies conversations et puis voilà. C’était bien non ? Oui, c’était bien.
Du mardi 1er au vendredi 4
Aller chez N+, venir, revenir, tourner, y retourner, hésiter, nommer, éliminer, décider, mesurer, choisir. Tout le reste, sauf erreur, n’a pas eu grande importance et mon esprit n’a pas eu le loisir de s’ouvrir à beaucoup d’autres choses… même si je suis sûr que j’en oublie, des choses et des airs. On notera une pointe d’énervement le mardi 1er, une bonne dose de résignation le mercredi 2, un début de soupir le vendredi 4… C’est aussi au milieu de tout cela que l’italien est revenu parce que l’Italien était arrivé.