Vendredi 6 août 2021
Jeudi 5 août 2021
Mercredi 4 août 2021
Mardi 3 août 2021
Photographier sans projet ni intention : l’un des formes les plus radicales du lâcher-prise.
::: Arnaud Claass : L’Intuition photographique
Jeu de Paume. Nous sommes si peu nombreux. On dit toujours cela de Paris, qu’elle se vide en août. On n’a même plus besoin de fuir la foule, c’est elle-même qui n’est pas venue ou bien qui est partie : devant les photographies de Michael Schmidt, on ne sait pas très bien qui est là, quelques Parisiens rescapés – et pass-sanitarisés – ou quelques touristes ?
Devant les photographies de Michael Schmidt, il se trame, comme parfois, autre chose qu’un regard : il y a mes propres interrogations sur ce que je fais de mes images, jusqu’où je ne vais pas avec elles. Car mon travail est disons dans la même famille, fait de moments happés, allant par ci, par là.
Allant par ci, par là, me voici ensuite attablé, salon de thé Tomo, besoin du goût du Japon, il fait gris, je suis dehors. L’homme sort de la laverie automatique, je l’y avais vu entrer avec un petit sac. Il fume. Il s’assied à la table d’à-côté, me parle, me demande ce que je lis, et puis me dit que ça coûte 4-5 euros, je n’entends pas très bien, il y a le bruit de la rue, des travaux un peu plus loin. Je lui en tends 1, il le prend et s’éloigne. Quelques minutes après il revient, pose l’euro sur la table. Je n’ai pas l’habitude, dit-il, ne te vexe pas. Je ris, je dis que non, je ne me vexe pas. Je ne sais pas quoi dire d’autre.
Avec l’homme qui m’interpelle plus tard, alors que je suis assis au Palais Royal, lisant encore malgré le petit vent frais – j’ai entre temps sorti l’écharpe de mon sac – je suis plus bavard, et il l’est aussi. Il a 58 ans, il récupère l’euro, et 30 centimes de plus. Il ne sait pas où il dormira ce soir, nous parlons un peu, il dit que pour manger ça va, les gens lui achète de quoi. Mais dormir : où ? Le gardien du parking où il a ses habitudes est en congés, il doit dormir ailleurs. La nuit dernière fut hachée, il est épuisé.
Au dîner, A l’est aussi sans doute, mais il ne le dit pas. Peut-être un peu épuisant aussi, B le confirmera. Il se souvient de tout, de moi, de L, c’est léger mais il bouffe l’espace, c’est un peu à qui de nous deux gagnera la bataille du plus extraverti. Alors quand il se dévoile, là, fragile dans ce couloir et cette rupture, que puis-je dire ? Rien de réconfortant : il est trop tard, il n’en a pas laissé la place. Et je ne sais pas faire.
Lundi 2 août 2021
Il se réveilla difficilement : les draps, sous l’effet de la suée d’un sommeil agité provoqué par le kilo et demi de sardines a beccafico dont il s’était bâfré le soir précédent, c’étaient étroitement entortillés autour de son corps, il lui semblait être devenu une momie.
::: Andrea Camilleri ; Le Voleur de goûter
Alors tu rejoins ceux qui sont repartis le lendemain pour franchir un océan ; “Don’t leave“, n’osé-je pas dire en regardant tes yeux.
Dimanche 1er août 2021
Sur un sommet au-dessus des nuages vivait jadis un homme qui avait été le jardinier de l’empereur du Japon. Peu de gens connaissaient son existence avant la guerre, mais je savais qu’il avait quitté sa patrie aux confins du Soleil levant pour s’installer dans la région montagneuse du centre de la Malaisie. J’avais dix-sept ans quand ma sœur me parla de lui pour la première fois. Une décennie devait encore s’écouler avant que je me rende dans les montagnes pour le voir.
Il ne me présenta pas d’excuses pour ce que ses compatriotes nous avaient fait, à ma sœur et à moi. Ni lors de notre première rencontre, par un matin pluvieux, ni plus tard. Quels mots auraient pu apaiser ma souffrance, me rendre ma sœur ? Aucun. Et il en avait conscience, contrairement à la plupart des gens.
::: Tan Twan Eng ; Le Jardin des brumes du soir
J’ouvre le livre, enfin. Sur le si petit mot que tu as écrit sur la première page – tu m’avais dit que ne tu ne savais pas trop quoi mettre -, tu as signé de ton initiale. Je ne sais pas si cela est une manière de dire que tu me lis.
A ma droite, de l’autre côté du couloir du train, des Japonais. Leur niveau de langage – passant du neutre au familier, selon qui parle -, puis le fait que l’anglais débarque dans l’une de leur conversation, me laisse à penser que le plus près de moi, bricolant des tableaux excel après avoir dégusté une pâtisserie de chez S et portant un bermuda beige laissant apparaître une peau caramel brillant un peu sous l’éclairage dans une photogénie presque excessive, serait plutôt Chinois. J’hésite alors à ouvrir ce livre de japonais qui me fera réviser pour la énième fois les kanjis vus, oubliés, revus, oubliés encore, mais j’ose, tant pis et comme on peut s’en douter, tout le monde s’en fiche royalement. Impérialement ?
Samedi 31 juillet 2021
Alors, tandis que la nuit se prolonge et que demain se rapproche, je lis les 30 dernières pages du romain fleuve “Lilas rouge” entamé le 21 mai. 690 pages – bien fournies avec mise en page de chez Verdier – pour lesquelles je suis véritablement partagé, entre le bon – quelques rares envolées magnifiques, une langue parfois étonnamment abrupte et gonflée, négligeant par exemple la fluidité née d’adverbes, un premier quart m’emportant, et cette sorte d’épreuve un peu sisyphéenne, cette sorte de défi à moi-même flirtant avec le besoin de s’extraire du monde en tenant bon pour lire l’intégralité de ce pavé – et le pénible – ce besoin qu’a l’auteur de ne donner aucun indice temporel au point de remplacer l’année par xx dans une lettre, ce sentiment d’être totalement paumé notamment au début du quatrième livre, quatrième livre qui m’aura fait tester et approuver la technique de la lecture diagonale pour attraper les passages intéressants parce que tout de même j’aurais trouvé embêtant de mourir d’ennui avant de connaître la fin même si la quatrième de couverture vous raconte ce qui se passe à la page 600 ce qui a eu le don de m’agacer durant 599 pages, cette même langue qui tout de même m’a fait soupirer plus d’une fois, et ces personnages, auxquels je n’ai pas réussi à m’attacher parce que j’ai longtemps attendus qu’ils fussent portés par la musicalité des phrases*, en proie à un vague malaise parce que pépé le Nazi a été une ordure en dénonçant des personnes de son village et que cela va retomber (en mode “Les Rois maudits en Autriche”) sur les générations suivantes. Mais bon sinon je peux vous le prêter.
* Ca peut paraître curieux, mais c’est ainsi que je le ressens.
Vendredi 30 juillet 2021
C’est ainsi que je te retrouvai. Toi puis toi puis toi. On pourrait en écrire trois petits bouts d’histoire… ce qui me fait penser à cette chanson de Barbara, “Tous les passants” :
Tous les passants s’en sont allés
Plus rapides que la mémoire
Écrire un petit bout d’histoire
Les uns debout, d’autres couchés
Qui d’entre vous était debout ? Qui d’entre vous était couché ? Ici on laissera un sourire planer.
Jeudi 29 juillet 2021
Mercredi 28 juillet 2021
Mardi 27 juillet 2021
Ainsi tu précises les raisons de ton départ pour Lyon : d’abord, partir. Changer d’horizon. Puis, avec les idées claires, tu m’expliques que tu souhaites, après avoir travaillé pendant un an pour mettre de l’argent de côté, intégrer une école de photographie. M’en voilà heureux. Ce qui me traverse quand tu me l’annonces est une douce émotion.
Je te demande alors si je dois y voir un peu de mon influence. Tu me dis que oui, parce que tu n’avais jamais posé avant de me rencontrer, et que le reste en a découlé, ces images que tu fait de tes amies, notamment. Tu dis peut-être ça pour me faire plaisir, car tu avais déjà un appareil photo avant de me rencontrer. Mais à présent tu as le mien, devenu le tien. Et ton regard a mûri, comme tes mots.
Je ne sais pas où ta jeunesse t’emporte, mais je te vois décidé et beau dans ta certitude, beau dans ce pétillant avec lequel tu m’éclabousses. Et tu franchis la porte rieur ; mais ne l’es-tu pas toujours ?
Lundi 26 juillet 2021
Dimanche 25 juillet 2021
C’est donc attablés comme des touristes, dans ce restaurant espagnol, que tu me demandes si tu peux être honnête. Ma mémoire étant ce qu’elle est, j’ai oublié la question, ou la formulation qui a suivi. Notons que c’est tout de même assez pénible d’oublier le point clé d’une conversation lorsque l’on est ici pour la retranscrire sans vraiment la retranscrire et qu’il faut donc jouer avec les mots… qu’on a oubliés.
La conversation qui suit est légère, et puisque tu t’inquiètes, je fais un mouvement de la main pour balayer tout ça, c’est-à-dire pour remettre les quelques moments douloureux là où ils ont été, pour ce qu’ils ont été. Mais tu n’insistes pas, et moi non plus : mes pensées sont confuses mais mon choix est clair.
Puis il y aura quelques rires, une plaisanterie que tu n’auras pas comprise, et finalement l’idée – non exprimée – que notre insolence est un peu égoïste. “L’amour, c’est chacun pour soi“, m’avait écrit F le 28 septembre 2016 après avoir quitté V, et il me plait de penser, en tirant les traits, que cette phrase s’adapte à toute relation : il convient qu’elle convienne d’abord à soi-même.
Alors, après le café, je pense à moi et te laisse ; tu es un peu déçu.
Samedi 24 juillet 2021
Puisque ce n’est pas le jour de ton anniversaire, nous pourrions dire que ce ne sont pas des cadeaux d’anniversaire. On aurait aussi la liberté de nous offrir ce qu’il y a de plus cher : du temps. Du temps, l’un pour l’autre, là, un café, un deuxième, pendant lequel je serais le témoin de cette fraction de conversation où tu appelles O d’un nom tendre, juste avant que C ne me laisse deux messages et le faux espoir de le voir revenir. Nous parlerions aussi de P, un peu, comment il est là, encore. Puis il y aurait cette manière de partager un petit rien, un moment pour un achat, au lieu d’être là, tout seul, un peu idiot, à hésiter, tout seul, accroupi devant un rayon avant qu’un vendeur au prénom d’empereur ne vienne. Et un détour, jusque chez toi, comme cela arrive parfois.
Vendredi 23 juillet 2021
Alors je t’écris que ça manque de selfies devant la mer. Je ne suis pourtant pas très bien placé pour réclamer des images de tes vacances loin d’ici, d’abord parce que moi-même je n’ai pas pour habitude d’en partager, ensuite parce que nous ne pouvons pas dire que nous nous connaissons même s’il semble qu’un jour tu as cru le contraire, enfin parce que si tu es comme moi, tu as peut-être envie que ce séjour soit une coupure avec Bordeaux. D’ailleurs, depuis que tu m’as répondu que j’en aurais demain, je les attends encore.
Jeudi 22 juillet 2021
Mercredi 21 juillet 2021
Mardi 20 juillet 2021
Lundi 19 juillet 2021
Ton visage ne me convenait pas. Le chapeau, la moustache, l’écharpe, te donnaient un air étrange, d’autant plus étrange que tu avais apposé cette photographique sur un CV. Que cherchais-tu à y exprimer ? Je n’arrive à dire à qui tu me faisais ainsi penser, mais ce n’était pas vraiment toi. C’était pourtant un toi que tu préférais que celui du moment, m’avais-tu dit.
Alors j’ai déplié le matériel acheté récemment avec ces pieds tentaculaires qui soudain encombrèrent le sol, puis la nappe qui arborait dans un coin les initiales ZL de mon aïeule et que maman m’avait donnée pour que j’en fasse cet usage. Le coton en était doux, le tissu avait ici ou là subi l’outrage du temps.
J’ai pris plusieurs images, c’était la bonne heure pour la lumière ; sur la dernière tu penchais un peu la tête, tu avais peut-être commencé à oublier qu’il te fallait poser. C’est celle-ci que nous choisirons. C’était toi.
Dimanche 18 juillet 2021
Samedi 17 juillet 2021
Vendredi 16 juillet 2021
Jeudi 15 juillet 2021
Mercredi 14 juillet 2021
Mardi 13 juillet 2021
Lundi 12 juillet 2021
Dimanche 11 juillet 2021
Nous nous étions vus lundi dernier, le 5 juillet. J’ai oublié de l’écrire ici. Je regrette, ça aurait fait un joli texte parce que ç’avait été joli d’être là tous les trois, joli et drôle surtout. Je n’imaginais pas qu’il pouvait être si amusant. Ne m’avais-tu donc jamais parlé de lui en ces termes ? Je comprenais alors pourquoi tu l’aimais, pourquoi je n’avais pas eu les armes pour t’embarquer, pas celles-ci en tout cas, pas cette volubilité, cette énergie, cette folie. Oh sur l’humour, j’arrive à me défendre, certes, mais…
Te revoilà seul aujourd’hui, et parfois tu ris je crois. Les rues de Bordeaux sont lumineuses et ta peau l’est toujours autant, avec cette rousseur comme des milliers de soleil. Avant d’aller nous promener, je te rappelle que tu es ici : sur l’une des étagères, il y a ton visage. C’est vrai qu’elle est belle, cette photo, dis-tu. Elle l’est. Elle est peut-être la plus belle de toute : ton visage est magnifique, et il y a la lumière, les teintes, ce petit air que tu avais en me regardant, cette blessure sur ton nez. Elle est peut-être la première de toutes, les prémices de ce travail photographique que je creuse aujourd’hui. Elle est aussi ma triste renaissance de cette été-là. Et ta peau était alors une autre métaphore.
Samedi 10 juillet 2021
Il n’y a pas les images que j’ai faites, aucune n’était bonne. Il y avait ce portrait de lui, nous buvions une bière, la première je crois, il portait cette improbable chemise recouverte d’une foule constituée des personnes des Simpsons. Toutes les autres images étaient floues, d’un flou qui se dit rien, un vrai bon gros flou loupé faute d’avoir cadré ou fait le focus. C’est un flou de feignasse, ce flou dû au pif. Paf.