Mercredi 3 juin 2015

Lorsque j’arrive il est déjà tard, j’ai manqué les présentations, les discours, tout le monde est là, souriant bien sûr, chacun a son exemplaire du livre et tu t’apprêtes à le prendre aussi. Es-tu là depuis longtemps ?

Quelques discussions autour de mes activités (réelles ou rêvées) et puis l’on part pour ce dîner tant attendu — depuis un an, on peut le dire. Souriantes bien sûr, voire pétillantes, elles nous offrent deux objets magnifiques qui trouveront facilement leur usage, leur place, et le moment opportun pour les montrer sur ce journal.

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Mardi 2 juin 2015

Il est des endroits du quartier que l’on retient par leurs détails, leur positionnement géographique. Pourtant j’avais oublié que l’on avait remonté ce chemin escarpé ensemble, mon souvenir était personnel, un de ces moments à vélo à chercher les images à faire. Le chemin en question borde la maison de Mishima san et depuis le temps qu’elle nous disait de venir prendre un café, enfin, nous y voilà : café. Au lait, certes.

Nous partons ensuite vers les hauteurs d’Ohara où l’on pique-nique en regardant plus bas, si loin. Et puis c’est Kurama, pour un bain évidemment, presque seuls, et quand soudain l’on n’est plus que deux, je m’offre un souvenir photographique interdit. C’est au sortir du village que cette faute sera punie par un petit garçon tendant deux doigts pour imiter un pistolet. Pan ! Et sourira, avec malice.

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Lundi 1er juin 2015

Tout n’est que mouvements lents, musique et chants, mais j’hésite sur le mot « chant ». Nous n’avons pas lu , avant de venir, ce qui allait se passer sur scène, alors nous ne pouvons qu’être dans une sorte de pure situation, celle du spectateur qui ne sait rien et ne comprend rien ; nous sommes regardeurs, écouteurs. On peut – notez comme soudain je passe à l’indéfini, emportant dans mes pensées les autres regardeurs – inspecter les vêtements sur scène, les décortiquer, même si l’on est loin, et s’en étonner. On peut regarder les gens autour, s’étonner là aussi, qu’il y ait des ados, baskets et sacs à dos, des filles aux cheveux bleus. On peut facilement être dérangé par les bruits de pas sur le gravier, derrière, puisque l’on est à trois rangées du fond, arrivés bien après les premiers rangs. On peut même facilement s’endormir, même sur ce banc de bois. On peut partir au bout d’une heure et trente minutes, comme un grand nombre d’occidentaux, eux aussi au fond, eux aussi curieux de cet art qui reste un grand mystère.
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Et aussi
Des plantes, I&A, Muji

Samedi 30 mai 2015

C’est à l’aurore, ou plutôt un peu après, car l’aurore est si tôt qu’elle est presque invisible, que l’on se lève et qu’alors, le guide touristique posé sur la table, tu m’annonces où nous partons. La surprise s’estompe, remplacée par la joie d’aller à Ise – pour s’étonner encore – et au bord de la mer, la mer, la mer, enfin la mer !

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Jeudi 28 mai 2015

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La photographie prise entre ces deux images montrerait 5 collégiens le nez dans leur téléphone portable, assis sur une banquette dans le métro. La similitude de leurs vêtements permettrait éventuellement un sourire et appuierait la question de l’uniforme et des libertés que l’on peut prendre avec l’uniforme. Tous porteraient un pantalon sombre, dont les motifs discrets ne se verraient pas au premier coup d’œil. Sur les 5 collégiens, on verrait 2 polos blancs et 3 chemises blanches avec cravate à rayures – la même cravate pour les trois. Les chaussures seraient de sport, et les sacs à dos de marques Adidas, Puma ou hummel ; on verrait également deux sacs de raquette de tennis.

On pourrait ensuite raconter la surprise délicieuse de voir Rika auprès de qui je m’étonnai de l’usage de désherbant , la difficulté (un peu bête) de trouver des enveloppes au format A4, l’exposition de Kohei Nawa (et de deux autres artistes) dans ce musée dont je ne sais finalement toujours pas le nom, et l’instant gourmand au R.C. accompagné en musique par un guitariste osant un peu hésitant un « Top of the World » des Carpenters, un « My Song » d’Elton John ou encore ce « Tears in Heaven » d’Eric Clapton dont la guimauve me semblait interdite en dehors des souvenirs du Top50 mais n’enlevant rien au plaisir d’être là.

 

Mardi 26 mai 2015

Apprendre une triste nouvelle lors d’un dîner qu’on ne pourra pas qualifier de frugal et y voir là une vache ironie.

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Lundi 25 mai 2015

C’est la fin du voyage. Les femmes sont devenues domestiques. Les hommes partagent les durs travaux des travailleurs émigrés en Europ : construction des routes, chantiers. Et comme ils ne sont pas « spécialisé », que les salaires son bas et qu’un enfant naït tous les neuf mois, ils vivent à dix, à quinze, dans des baraquements insalubres, sans électricité ni installation sanitaire, parfois même sans eau potable. Certaines tentatives de « relogement  » se sont soldées par des plaintes : les gitans arrachaient les parquets et les plafonds pour se faire un feu de camp.

Hervé Guibert, à propos des photos de Josef Koudelka ; La photo, inéluctablement.

Il y a dans la boîte aux lettres, ce qu’on lit ci-dessus. Il y a les puces avec J et ce garçon allemand. Il y a cette plante aux fleurs recroquevillées, qui soudain s’ouvrant dans le panier du vélo, ont presque l’air banal. Il y a ce jardin d’enfants, lapin aux yeux rouges et cochon enseveli. Il y a ces pivoines et cette autre fleur, omoshiroi comme dit la vendeuse qui m’offre une autre pivoine comme il arrive parfois ici. Il y a donc un Allemand très bien habillé qui vient dîner puisque le matin sa jovialité nous a accompagnés aux puces.

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Dimanche 24 mai 2015

Alors, pour la première fois, on sort la table sur la terrasse. Nouveaux convives, nouvelles habitudes peut-être, avant de retrouver le belvédère de F, nouvelle habitude sûrement.

Vendredi 22 mai 2015

On pourrait parler du visiteur québécois, de la séance photo-clafoutis, du tee-shirt à fleurs, du vin espagnol. Mais il était question ce jour-là de parler d’ici : notre maison, l’habitat, là où l’on vit. Questionner son « chez-soi » est un exercice intéressant, et me voici donc à parler de ses particularités, de son intelligence, de ses merveilleux détails, de l’horizon qui ne se limite pas à un ciel aperçu derrière une fenêtre, de cet environnement sans lequel les baies vitrées n’auraient pas le même usage, du grand écart tout japonais entre cette architecture contemporaine et le quartier « campagnard », de la limite, des limites entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’espace privé et l’espace public, d’une certaine non-japonéité du lieu par ses transparences à l’opposé du verre cathédrale qu’on impose ailleurs, d’un évident rappel à l’architecture traditionnelle locale, de ma méconnaissance des usages architecturaux dans d’autres pays, de cette question des espaces partagés et du vivre ensemble qui revient toujours et que l’on connait à Ivry. Évidemment on en vient à parler de cette esprit de communauté, des dîners entre voisins, du partage et de la proximité, des relations qu’on peut de plus en plus qualifier d’amicales, mais il est déjà trop tard quand j’apporte les clafoutis, le journaliste est reparti.

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Mercredi 20 mai 2015

Alors voici Mishima san qui passe, accompagnée. Vieni, vieni!, dit-elle dans son enthousiasme habituel. Et nous voilà à discuter Charlie et voisinage avec une Norvégienne et sa fille. Va falloir songer à réviser mon italien, car j’en perds mon latin…

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Mardi 19 mai 2015

Soleil de fin d’après-midi, lumière chaude. Je suis en train de couper une branche pour rendre l’un des bouquets un peu moins raides, il fait un peu frais une fois arrivé dans les montagnes. Tu m’appelles, tu me proposes que l’on se retrouve, oui je vois où, au bord de la rivière.

Alors au bord de la rivière, avec de quoi se rafraîchir, il y a ce type avec sa raquette de tennis, descendu sur la berge pour quelques mouvements de bras. Regard étrange, appuyé, comme soupçonneux, aigri, comme s’il n’appréciait pas que tu te sois garé là, en face de chez lui, masquant une partie du paysage. Comme s’il voulait une bière ? Quelques mouvements de raquette, un court instant assis sur le banc d’à-côté et le voilà reparti… Inspection terminée ?

(+ le début d’un film sur 8 types perdus en Antarctique)

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Dimanche 17 mai 2015

Une heure de train, trois quarts d’heure de bus, et c’est l’île d’Awaji, le bord de mer, un air de vacances avec ces palmiers, ce bar, ce bâtiment rose là en face. Le café est léger, le chien rapidement silencieux, je pense à la Californie. Le trajet a été l’occasion de relire les pages du carnet rouge ; qu’en faire ?

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Samedi 16 mai 2015

Là-haut, là aussi, le paysage a changé : les fougères ont envahi la pente nue. On commence à ressentir l’été, la moiteur, et malgré cette brume éblouissante on regarde l’horizon et cherche encore nos toits.

Et le soir, le ciné-club entraîne des éclats de rire inattendus et rafraichissants pendant le Voyage à Tokyo d’Ozu. Un long voyage, non ?

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Jeudi 14 mai 2015

Prendre enfin le temps. De toutes les images collectées et des idées que j’ai en tête, je pose enfin ailleurs les idées et les images, un peu pour me mettre la pression, un peu pour voir dans quelque temps ce que ça donne vraiment, un peu pour qu’on me juge. Les images ne sont pas étalonnées, les textes pas très travaillés, espérant finalement que personne n’ira voir, en tout cas pas tout de suite.

Le soir, ce sont les images des autres que nous sommes invités à regarder. Sur les 4 « gagnants » de KG+ ce sont les images en mouvement qui m’intriguent ; inhabituelles, intrigantes – oui c’est l’adjectif qui convient, au risque d’une répétition – elles dépassent la sagesse, le formalisme des autres, devant lesquelles j’interroge cependant ma propre pratique, ma propre sagesse, mon propre formalisme.

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Mardi 12 mai 2015

De l’été 2012, j’avais le souvenir de ce bar sentant le tabac froid et à l’allure lugubre, dans lequel nous étions entrés et ressortis illico après n’avoir posé qu’un pied sur la moquette rouge sale. Ce que l’envie – voire le besoin – d’un café, ajouté à la pluie qui commençait à tomber, m’a poussé à faire en ce 12 mai, c’est d’entrer dans le café en question et d’y rester, en précisant que c’était le seul à proximité et que ma destination était la Villa pour laquelle j’allais de suite prendre le métro, sans donc croiser un autre café. J’y entrai donc, grimaçant, presque fasciné par cette odeur, cette ambiance sombre, le sol en lino sur l’autre moitié du restaurant dans un état pitoyable et l’omelette gigantesque commandée par un client.

Il y eut ensuite un défilé de parapluies et de cheveux très courts, une vaine tentative de faire une ou deux photographie, et encore plus tard, sans le moindre rapport, mais alors vraiment pas le moindre, la saison 2 de Looking.

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Lundi 11 mai 2015

La nuit était tombée lorsque je suis sortie de l’aéroport, le corps un peu déséquilibré, pesant d’une drôle de façon comme s’il ne cessait de glisser vers le bas. J’avais tellement envie de m’allonger, de m’allonger de tout mon long et plus si possible, que seules les surfaces horizontales attiraient mon regard. Avec un peur de chance, la chambre du ryokan serait exactement comme sur les photos.

Céline Curiol ; L’Ardeur des pierres

Sur la terrasse, je viens saluer le nouveau visage. Je l’avais imaginé brun et plutôt grand, une frange plutôt longue, quelque chose de cette coupe que j’ai eue brièvement en 2012. Et bien ce n’est pas du tout ça. J’arrive heureusement à cacher ma surprise, et il est déjà retourné lorsque je précise qui je suis, mais peut-être l’avait-il imaginé.

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Dimanche 10 mai 2015 2015

Alors la petite fille, d’apparence sage, s’amuse de nous menacer de son jouet de plastique vert aux pointes rouges, le visage grimaçant dans une sorte de remake improbable de L’Exorciste.

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Vendredi 8 mai 2015

Kyotographie / KG+, troisième. J’aimerais en parler, en parler longuement. Du travail de Louis Jammes sur Tchernobyl surtout. De la photo « Playboy Club » d’Elliot Erwitt aussi. Et du plaisir de terminer par la simplicité (encore !) de ces 300 portraits par Hyogo Mugyuda.

Et puis, ô bonheur, de L’Amour à la mer, de Guy Gilles.

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Jeudi 7 mai 2015

Kyotographie, deuxième. Et comme il est difficile de parler de tout, je citerai simplement le nom de Suntag Noh… et la beauté des tirages de chez Benrido.
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Mercredi 6 mai 2015

J’ai noté le nom de Yusuke Yamatani, numéro 8, tout près de Shijo-Karasuma, afin de débuter par l’un des deux noms japonais du festival Kyotographie, et m’arrête surtout sur une image que par chance il est possible de photographier pour mieux la regarder ensuite et la poser ici, en guise d’illustration, ici où le noir et blanc est rare. Noir et blanc, aussi, avec les photographies des pochettes de Blue Note, et surtout quelques belles planches contact.
Conseillés la veille par V, c’est surtout du côté de KG+, à la galerie16, discrètement perchée, qu’on trouve un travail photographique intelligent et indiscutable : Dialogues, de Mutsumi TSUDA revient sur l’histoire des immigrés japonais en Nouvelle-Calédonie et leur internement en Australie après l’entrée en guerre du Japon. Le travail et l’accrochage, sobres et humbles, sont une respiration après l’autre expo vue et dont je n’ai pas parlé.
On passe ensuite à un autre style avec les dessins et collages de Paul Brock, à la poésie et la légèreté située quelque part entre Miro et les Shadocks, dans une ambiance de vernissage amicale et chaleureuse : « je suis un peu pompette« , dit-elle.
Et finir sur la terrasse avec Moé no Suzaku, de Naomi Kawase.

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Mardi 5 mai 2015

Où il est question de rêverie photographique, de souvenirs, imaginaires, collectés, flous, piochés ici ou là, chez les autres.

Jean-Luc Caradec, KG+, Galerie Hôô, Kyoto 150505-DSC_2309

Lundi 4 mai 2015

Sans prévenir, la ville s’est parée de rose azaléen. Ou bien étais-je trop attaché à regarder le vert qui avait éclaté depuis notre retour ? En tout cas, en face de la Villa, c’est abondance (de fleurs, de visiteurs). De quoi rejoindre l’idée de regard floral évoqué par Christine Buci-Glucksmann dans son livre « L’esthétique du temps au Japon« , livre qui aurait nécessité l’usage d’un surligneur afin de guider la lecture parfois souvent ardue, or vous conviendrez qu’il n’est pas d’usage de surligner les ouvrages empruntés dans/sur les bibliothèques. En tout cas, je ne retrouve pas la phrase en question.

Dimanche 3 mai 2015

Veste de tailleur verte devant le bâtiment gris, elle sourit curieusement, comme gênée, faisant vaguement les cent pas. Son mari est entré avec elle : nous les avons croisés tandis que nous sortions après nous être renseignés sur les prix de cet hôtel qui n’en est pas un, pas tout à fait un, pas pour tout le monde. C’est un resort, en anglais dans le texte, c’est hyper select, faut faire partie du club et avoir un bagage d’une grande marque de luxe — à supposer qu’il existe des petites marques de luxe.

Et puis ils sont repartis. Les bagages plus nombreux qu’à l’aller, puisque ce sac rempli des achats du matin.

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Vendredi 1er mai 2015

Une odeur de tabac froid, légère mais présente, moins insistante que dans ce business hotel de Hiroshima en 2013. Des édredons à fleurs, une distance inédite entre les deux lits, un bruit de circulation léger mais présent. Un étage plus bas, le gardien de l’hôtel, myope comme une taupe, patiente dans son costume bleu digne d’un agent de parking. L’endroit est étrange, tellement étrange que nous nous sommes demandés en franchissant les portes si c’était bien l’hôtel où nous avions réservés ou bien une maison de retraite ; nous l’avions choisi un peu au hasard (Internet, etc.) surtout pour sa situation sur le bord du lac Biwa ; à peine garés on bénéficia d’un joli coucher de soleil.

Le tableau dépeint ainsi ne gâche nullement cette journée, qui commença pourtant par un french-toast un peu triste et par une réservation téléphonique pour le sus-dit hôtel, réservation en langue locale d’une durée de plus 8 minutes durant laquelle la personne au téléphone me posa des questions aussi inutiles – notre heure d’arrivée – que saugrenues – notre âge -, tant et si bien que je frisais l’exaspération totale au moment de raccrocher, le soulagement l’emportant tout de même sur l’agacement.

Bref, tout ça ne gâcha pas cette journée, merveilleuse et ensoleillée, merveilleuse et surprenante comme peuvent l’être le musée du 21ème siècle, le jardin Kenroku-en, un déjeuner dans un restaurant de ramen presque poétisé par la présence d’une sourde parlant français et enfin (ou surtout) le musée Suzuki et sa magnifique architecture avant de rouler deux heures au milieu des montagnes.

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Jeudi 30 avril 2015

Kanazawa. Le nom de la ville m’évoquait – ce n’est pas rien – l’enthousiasme de Bertrand au retour : la beauté malgré le froid. C’était l’hiver ; enneigé. En cette fin avril c’est un printemps estival, et j’ose même me tremper les pieds dans la mer lors d’un arrêt sur la route, mais mon élan ne me pousse pas à enfiler un maillot ; des détritus bordent la plage.

Kanazawa, c’est plus de 460 000 habitants et, à l’issue de cette première soirée, un cœur de ville accueillant, vivant, chic, dynamique, rempli de bars à la photogénie extérieure – portes entrouvertes, cinq tabourets… – qui me rappellent ce petit quartier de Tokyo, qui, dès le premier soir dans la mégalopole, m’en avait donné une image loin des clichés. Dans l’un d’eux on s’accoude pour une bière et l’on y revient après le repas, parce que finalement il était bien accueillant, ce bar. Là, à la manière typiquement japonaise, les autres clients finissent par nous parler. Ça commence toujours par nous demander d’où l’on vient, et puis les rires n’attendent jamais très longtemps, comme pour couvrir la gêne de ne pas très bien se comprendre, comme pour exprimer dans un langage universel le plaisir d’être là. (Se croiser le lendemain, et rire encore en guise de salut).

(Et l’on se dit alors qu’il faudrait vraiment fréquenter plus les bars.)

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Vendredi 24 avril 2015

Tokyo. Encore une fois se laisser aller au hasard, avec pour seul but un lieu et une heure de rendez-vous. J’ai donc 5 heures pour ce trajet Shibuya – Roppongi qui ne nécessite, en ligne droite, que 30 minutes. A un rythme tranquille (surtout parce que je dois arriver frais comme une rose au vernissage du soir malgré une veste et une cravate), je découvre alors le sud de Shibuya, et en particulier Daikanyama puis Ebisu, qui sont exactement ce que j’aime dans cette ville : de charmants quartiers bordés de petites boutiques, de petits cafés, passant du lounge à l’alternatif, du chic au réaménagé… avec au milieu de toute cela un librairie photographique où je dégote un vieux catalogue d’une expo de William Klein pour 1000 petits yens.

La suite serait une longue description de la raison précise et principale de notre venue, à savoir le vernissage de l’expo du Mori, et, plus précisément et principalement, la présence de S et de sa pièce légère, forte et fragile, magnifique (au milieu de quelques autres très belles pièces dont il me faudrait citer les auteurs, mais comme je n’ai pas le catalogue sous les yeux…)

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Jeudi 23 avril 2015

F nous avait parlé de son rêve : construire un belvédère au-dessus de sa maison. En arrivant, toc toc, personne. On entre, habitués des lieux, en même temps que – ô tiens, quelle surprise – ce photographe rencontré il y a quelques jours et dont j’aurais aimé voir l’exposition mardi – mais il était trop tôt. Le pas de la porte franchi, déchaussés, on appelle, cherche le lieu haut perché et découvre presque caché cet escalier dans la cour. C’est alors que s’ouvre à nous un rêve, en effet, devenu réalité.

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Mardi 21 avril 2015

Un mois tellement rempli que ce journal est resté vide. Alors en ce 21 avril, lever la tête vers les cerisiers qui nous ont attendus, regarder les pétales s’évanouir… et reprendre.

Alors je raconterais cette matinée faite de fils d’or et de soie, radieuse comme les kimonos du sensei. Une fois le rendez-vous passé, une fois les journalistes repartis, il nous propose de déjeuner avec lui. Honoré et intimidé j’accepte, car l’homme est chaleureux, car Y sera là avec sa délicatesse et son français impeccable, car c’est l’occasion de mieux connaître A… Et le voici quelques minutes plus tard qui apparait bien autrement vêtu, le costume sombre du maître remplacé par du rose, du rose et encore du rose – seul le pantalon y échappant. Les pétales inévitables en cette saison sont même là, sur des coudières dont on s’amuse ; lui aussi. Et la nappe du restaurant ? Rose.

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Samedi 21 mars 2015

Kyoto n’est pas un port. Le rivage est loin. Il y a pourtant ce bateau, qui chaque 16 août s’enflamme dans la montagne pour ramener les morts vers chez eux. Si l’on aime emprunter les chemins escarpés, on peut (bien vivant) prendre le chemin du bateau. Et de là-haut, regarder la ville. Et chercher sa maison.

 

Le film du soir : Mahoro eki mae quelque chose.

L’autre film du soir : Autour de Bérénice.

Vendredi 20 mars 2015

Je retourne au sanctuaire « abandonné » découvert avant-hier, outillé de mon grand angle pour mieux capturer ces deux canapés qui ne se laissent pas faire – une lumière très basse dans cette forêt et ce coin de toiture s’échinant à être dans le champ –, mais, ensuite, au lieu de grimper, je vais voir plutôt là-bas, le long du cours d’eau maltraité par trop de détritus comme trop souvent à la lisière de la ville. Je ne vais pas bien loin, m’arrêtant à la recherche de pierres ou mousses pour le jardin, me demandant si ce morceau de bois pourraient être utile voire odorant – et le porte à mes narines. L’homme dépassé un peu plus tôt – moi à vélo, lui à pieds – arrive alors, me surprenant dans mon improbable reniflage sylvestre, me salue et dit autre chose en me montrant la suite du chemin. Je lui réponds que je ne sais pas, puisque quelle que soit sa question, je ne sais pas, et je regrette très vite cette phrase un peu facile. Il est déjà trop loin quand je prononce dans sa langue, pour moi-même, que « je ne suis pas allé plus loin », « je suis allé jusque ici seulement »… ce qui aurait été plus précis et m’aurait rassuré quant à ce lent apprentissage du japonais. Qui donc, preuve en est, progresse, allant, comme sur ce chemin, petit à petit, plus loin, ainsi qu’on le précisera le soir au dîner.

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Jeudi 19 mars 2015

Les mots de Marcel Proust, Marcel le paysan cévenol, il les mange à la table de sa cuisine. Et surtout il les mange comme il mange ses repars, en mâchant tranquillement et régulièrement, sans parler.

La table de la cuisine est filmée de face, couverte d’une seule toile cirée à motifs fleuris. Le sol de la cuisine est en vieilles dalles de pierre que le temps a rendues douces et malléables. Hors champ à gauche, la porte vitrée de la cuisine, devant laquelle pend un rideau de bandelettes de plastique rouges, jeunes et vertes, diffuse de chatoyantes irisations dans ce lieu propre à l’intériorité.

A la lecture

 

Le bus n°9 me ramène vers la maison, mais comme à l’aller, il faudra marcher une dizaine de minutes. Il est bondé, avec cette désagréable moiteur de bus les jours de pluie qui me rappelle la vie parisienne ; on a les madeleines de Proust qu’on peut. Dehors la pluie, et chacun sourit de ce chauffeur supplémentaire qui descend à chaque arrêt pour nous abriter de son parapluie, le temps que l’on ouvre le nôtre.

Une fois le mien ouvert, je me dis que le café Maki de l’autre côté de l’avenue pourrait me permettre d’attendre une éclaircie avant la (bonne) dizaine de minutes de marche. J’avais jusqu’à présent ignoré la façade marronnasse de ce café, plutôt attiré par le petit fleuriste lui faisant face. L’ambiance y est légèrement enfumée et puisque il est l’heure j’hésite sur les sandwiches mais ne prend qu’un café, 400 yens. Thriller en fond musical tandis que j’entame la page 124 dont je vous fais bénéficier d’un passage sans le moindre accord avec l’éditeur, supposant que le passage en question est une réclame qui permettra d’accorder mon pardon. Jusqu’à la page 127, fin du chapitre, absorbé par la lecture, je ne prête guère attention à la musique. La flotte – mot assez moche pour temps assez moche – persistant, j’interpelle la serveuse et lui commande un set « New-York » constitué de 4 sandwiches clubs, d’une tranche d’agrume (sic) et d’un café, 800 yens.

Je regarde alors le ballet des serveuses, jupes culottes s’arrêtant au-dessus du genou d’une couleur gris-taupe (la jupe, pas le genou) jauni par l’éclairage, chemisier finement rayé, petit nœud au col, souliers vernis. La musique ne mériterait pas qu’on s’y arrête si elle ne permettait pas une pointe d’ironie – ce solo de saxophone au milieu d’une reprise nasillarde de Mr Postman – un léger sourire –what you want béééillbééééé – ou encore l’évocation surprenante des souvenirs d’adolescents agréables – Styx – ou pas – Ebony and Ivory, enterrée au Panthéon des chansons que j’ai passablement honte d’avoir aimée à un moment de mon existence, l’adolescence n’excuse tout de même pas tout, et qui me rappelle des années de lycée que j’ai globalement cherché à effacer de ma mémoire.

Les deux autres clientes du rez-de-chaussée restent vraisemblablement indifférentes à cette play-list qui ne leur rappelle rien, comme elles restent indifférentes à cet homme qui porte PRESQUE la même veste que moi, me surprenant avant de me décevoir (à cause du « presque »), indifférentes même lorsque, sortant des toilettes, le voici qui se reculotte au beau milieu de la salle pour repositionner son polo couleur caramel sous son slip blanc.

Le Japon étant le pays où l’on apprend la patience si on ne l’a pas déjà acquise, je vois mon déjeuner enfin arriver, et les manger relevant de l’exploit en raison de leur épaisseur, je complique la chose en poursuivant ma lecture, tenant le bouquin de la main gauche et tournant les pages avec difficulté (comme un manchot, ha ha ha), éventuellement distrait cette femme devant moi qui quitte le lieu sans avoir touché au 9/10ème de son assiette ni à son café, à peine servi et encore fumant… le visage de la serveuse découvrant cette bizarrerie étant presque digne d’une tragédie grecque.

C’est lorsque Kool and the Gang débarque que je décide de partir, glissant le marque-page à la numéro 146, faites le calcul.

 

PS. C’était quoi déjà le film du soir ??

Mercredi 18 mars 2015

J’ai longtemps rêvé aux titres des différents tomes de la Recherche, bien avant que mon père ne m’autorisât à les lire, c’est-à-dire ne jugeât que le temps était venu que j’y comprenne quelque chose.

A la lecture

Sentiment de tristesse en découvrant ce sanctuaire « abandonné », grimpette dans la montagne, tentative épuisant de revoir Happy together, en VO sous-titrée en japonais.

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Mardi 17 mars 2015

Alors il se produit comme une explosion, celle des fleurs et des températures et l’on ressort le fauteuil sur la terrasse, sans naïvement s’imaginer que ce sera définitif.

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Lundi 16 mars 2015

Alors, au fil d’une discussion joyeuse avec Rika, découvrant que les deux types de plantes bizarres qui poussent au fond du jardin sont comestibles, les unes revenues lorsqu’elles sont jeunes pour éviter l’amertume, les autres en beignets, j’étoffe le vocabulaire de nos loisirs domestiques – le jardinage, les bouquets de fleur, la cuisine… – tsukushi, tsubomi, fukimoto, suisen, rappa suisen, ageru, itameru….

A peine assis pour enfin travailler, les ongles pas vraiment nets, encore un peu terreux, je tourne la tête et remarque d’abord sur ce passant son pull ayant comme motifs de grands carrés blancs cassés, beiges, marrons, anthracites, camels… Je me dis que je serais bien capable – voire heureux – de porter le même pull-over, lorsque mes yeux se penchent vers les trois chiens qu’il tient en laisse. Blancs, beige, marrons, gris, ils ont un pelage parfaitement assorti au pull, objet de surprise qui deviendra anecdote lors de dîners ou de collations en présence d’amis francophones à qui l’on aime raconter le calme du quartier et l’amusant cortège des promeneurs de chiens.

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Dimanche 15 mars 2015

Elle doit, elle aussi, se demander ce que deux gaijin viennent faire par ici, ce quartier nord où le touriste étranger est une denrée rare, malgré une certaine proximité avec le sanctuaire de Kamigamo, et c’est un tort pour le touriste étranger qui par son ignorance, son emploi du temps un peu chargé ou le trop vaste choix de visites locales, ne profite pas du calme et du charme du coin où, et s’il lui venait l’idée de grimper un peu, là-bas au fond de ce petit jardin, il pourrait avoir une jolie vue sur Kyoto, c’est trop bête de manquer ça. Elle porte un ensemble de vêtements aux motifs multiples, d’une photogénie rarement égalée, avec une blouse fond noir à motifs fleuris bleus lavande et blancs recouvrant un vêtement sans manches avec un pied-de-poule marron recouvrant lui-même un pull aux manches dalmatien au bout desquelles sont accrochées, pour éviter les taches, des manchettes à petites fleurs bleus et roses. Lorsqu’elle sort de derrière le comptoir on découvre un pantalon à motifs plus discrets, quelque chose du cachemire je crois, aperçu trop brièvement pour être sûr.

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Il doit, à présent, croire qu’on parle parfaitement japonais, depuis le temps qu’il nous voit venir à sa boutique, il ne sait même plus depuis quand. Sa femme, elle, ne semblait pas trop sûre, l’autre jour, que l’on habitât ici, après qu’elle avait essayé de me faire comprendre que sa fille avait quitté Aix pour Paris. Mais qu’importe sa femme, le voilà donc parti dans une explication sur la façon de boire le saké qu’on vient de lui acheter, à savoir la température, c’est en tout cas ce que l’on devine alors qu’il frotte son index droit sur sa main gauche, tandis que tu acquiesces avec assurance et que je hoche.

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Le film du soir : Sad vacations, sans qu’on sache vraiment pourquoi ça porte ce titre.

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Samedi 14 mars 2015

On se retrouve devant le parking, hésitant pour ma part sur son emplacement précis – c’est-à-dire la rue où il faut tourner depuis Sanjo, mais un flair sorti de je ne sais où, le souvenir vague d’une certaine distance par rapport aux grands axes, et l’avantage des sens uniques qui éliminent quelques possibilités, m’aident à t’y retrouver à l’horaire correct. Pour le déjeuner l’on s’installe tout près dans un de ces restaurants abordables et agréables avant d’aller enfin voir cette pièce de Pipilotti Rist, poésie un peu rêveuse, comme un sommeil léger.

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Le film du soir : L’Amour de l’actrice Sumako

Vendredi 13 mars 2015

Bord de rivière. J’observe les oiseaux se prendre en chasse pour quelque bouchée enviée, les milans chassant les corbeaux qui eux-mêmes volent après les pigeons qui piquent les miettes des étourneaux. Soudain, la voix de Susan Philipz habille le paysage et remplace avec joliesse les coassements, roucoulements, piaillements et autres onomatopées leur sortant du syrinx – un mot qu’on n’oubliera pas pour les prochaines parties de scrabble de début avril. Et puis un souffle – fffrrrr : un milan sans doute attiré par mon sandwich – un mot qui pourrait aussi être utile, mais bon, huit lettres… – vient de me passer au ras de la tête.

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Jeudi 12 mars 2015

Au hasard de cette promenade quotidienne, mon chemin croise celui de Mishima san, Après des phrases en japonais débitées en vain puisque à une vitesse indécente, elle reprend l’usage de cette langue en commun, mais que soudain je ne maîtrise plus, ne laissant sortir de ma bouche quasiment que des mmmm pour acquiescer et exprimer le hasard de mon parcours en les accompagnant d’un mouvement de la main droite balayant les alentours. D’accord sur la beauté du quartier, où j’apprends qu’elle habite, nous nous accordons une fois de plus à prendre prochainement un café chez elle, ce qui finira bien par arriver.
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+ Le film du soir : Ponyo

Mercredi 11 mars 2015

Quatre ans après, écrire en lettres rouges le mot catastrophe, se rappeler le petit écran de télévision d’un bar de Nogent où j’ai appris la nouvelle, penser aux enfants nés dans l’incertitude. Malgré tout, s’endormir devant le film, comme autrefois, comme souvent, à la différence près que je suis incapable de vous dire le titre (une histoire de mouchoir…).

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Mardi 10 mars 2015

Ne croyez pas les images ci-dessous, cette fleur tout droit sortie d’une île tropicale, ce soleil rasant. La fleur est bien au chaud dans la cuisine et cette lumière avait été précédée de bourrasques de neige.  L’homme, quelques secondes plus tôt, soufflait dans ses mains. Se disait-il comme moi, que c’est à croire qu’ils ont raison, ceux qui disent qu’à Kyoto, l’hiver n’en finit pas ?

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Lundi 9 mars 2015

Alors, sur le petit chemin sombre qui mène à la Villa, je lève les yeux du bitume en me disant que je préfèrerais ne pas croiser un sanglier. Mais à quelques mètres, c’est un cerf qui me regarde, ses bois immenses éclairés par un réverbère… et me voici soudain dans Princesse Mononoké. Il s’éloigne, mon cœur bat sous la surprise et l’émotion et le revoici, là-bas, au coin, qui m’attend, me regarde un instant, bien sûr ne me laisse pas s’approcher, et s’enfuit.
(Tout le reste n’a donc aucune importance à côté de ce moment d’une beauté rare.)

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Dimanche 8 mars 2015

Alors, les adhérents découvrirent le nouveau site à l’heure où… par curiosité, sourire en coin, l’on découvrit que le rayon porno du loueur de vidéos ne proposait que des films avec des filles japonaises. Ce pourrait être l’occasion de parler de l’intégration des étrangers et des homosexuels dans la société japonaise, mais parlons plutôt du déjeuner avec les deux nouveaux venus, exprimant avec une amusante complémentarité l’une son inquiétude, l’autre son calme, parlons de ce petit bar ensoleillé, parlons de Princesse Mononoké, dont la bande-son a bercé mes années d’intégrateur rue de la Chine mais que, curieusement, je n’avais jamais vu. A tort.

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Samedi 7 mars 2015

Comment dit-on « passer du coq à l’âne » et « tiré par les cheveux » en japonais ?

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