Alors bien sûr il met le disque.
Samedi 24 août 2019
Vendredi 23 août 2019
Jeudi 22 août 2019
Mercredi 21 août 2019
Mardi 20 août 2019
Lundi 19 août 2019
Dimanche 18 août 2019
Samedi 17 août 2019
Vendredi 16 août 2019
Jeudi 15 août 2019
Il y a des maisons qui vous habitent. La maison du Japon, – ne l’avais-je point exprimé un jour ici ? -, m’avais habité. Elle était en moi autant que je vivais en elle. Cela venait surtout de la relation avec l’extérieur, cette possibilité de sortir sans s’extraire du périmètre de l’habitat. Sortir sans sortir. Être dedans et dehors en même temps. Elle s’accordait au bonheur de vouloir être et d’aimer être en deux lieux en même temps.
L’appartement du Liégat où j’ai passé trois semaines avait commencé à m’habiter dès le premier jour je crois. Il s’est immédiatement passé quelque chose. Je pense que cela venait là aussi de la relation à l’extérieur, les terrasses, ce regard porté sur ce qu’il y a au-delà des fenêtres et de leur petite folie géométrique, regard conjugué à cette possibilité de sortir sans s’extraire du périmètre de l’habitat. Sortir sans sortir, oh bien sûr pas de manière aussi douce qu’à Nishinoyama House, ici il faut descendre ou franchir.
Alors j’ai filmé. Pas l’appartement. Mais les vues. J’ai filmé la générosité de la maison : tout ce qu’elle offre à voir de ce qu’elle n’est pas.
Mercredi 14 août 2019
Nous sommes ensemble à cette terrasse, l’après-midi s’étire à ce coin de rue à peine brusqué par mes va-et-vient et le camion poubelle. Nous sommes ensemble dans ce qui ressemble à un au revoir qui se prolonge ; ce matin déjà nous nous étions étreints sur le pas de la porte ; lundi déjà je t’avais dit que tu allais me manquer. Nous nous donnons à voir, à imaginer, ce qu’il y a de l’autre côté des portes du lieu où nous sommes deux, de l’autre côté des fenêtres par lesquelles nous regardons, ainsi ouvertes. Nous apercevons ce que l’autre nous esquisse, souriants, poursuivant ainsi dans quelques détails furtifs, hop, ce que nous nous sommes déjà dit. Nous donnons aussi aux mois qui viennent quelques cailloux, que tu aimerais encore semer, je prévois octobre, tu parles de décembre, tu t’imagines restant au lit tandis que je partirais travailler, bienheureux de paresser dans mon lit et dans l’équilibre confortable de ma présence-absence. Et nous nous effleurons bien sûr, comme nous effleurons les mots qui nous décriraient, mais ce que nous disons restera plus important que ce que nous nous disons pas.
À cette terrasse parisienne nous poursuivons ce que nous sommes, dans la multiplicité des formes possibles, c’est-à-dire face à la réalité des semaines qui viennent, sans nous, sans nous ainsi, tels que nous l’avons été durant ces trois semaines que j’ai presque tues. Les mots d’un journal sont comme un léger épuisement du réel, et mon réel avait besoin de ne plus être dit, pour laisser la place à nous, que l’on soit ensemble, que je sois parti voir les nuages sur l’océan ou que tu aies préféré être en ce lieu qu’on nomme chez toi. Ne plus être dit non plus pour laisser la place à d’autres mots qui enfin ont repris vie, petitement, difficilement, dans toute la peine qu’est parfois l’écriture, après avoir reçu de Paris et de ses frontières ce que j’aime en recevoir et ce que je n’avais jamais reçu, là chez Renée, dans l’espace, la végétation et la lumière du Liégat ; même j’y ai aimé la pluie.
Mardi 13 août 2019
On entourait d’une particulière déférence celui ou celle qui était “resté à écrire” et on lui disait : “Vous avez fait votre petite correspondance” avec un sourire où il y avait du respect, du mystère, de la paillardise et des ménagements, comme si cette “petite correspondance” avait été à la fois un secret d’état, une prérogative, une bonne fortune et une indisposition. Quelques-uns, sans plus attendre, s’asseyaient d’avance à table, à leur place. Cela, c’était la désolation, car ce serait d’un mauvais exemple pour les autres arrivants, aller faire croire qu’il était déjà midi, et prononcer trop tôt à mes parents la parole fatale : “Allons, ferme ton livre, on va déjeuner.”
::: Marcel Proust ; Sur la lecture.
Lundi 12 août 2019
Dimanche 11 août 2019
Le grand-père fabrique des billards à Saint-Étienne. Il sait l’ennui des campagnes alentour, hors les jours de kermesse et de batteuse; les salles d’auberge où l’on fait durer les histoires de chasse et les verres de gnole, et combien les pièces ont du mal à quitter les bourses de cuir. Bien que menuisier, il n’a pas le goût des fenêtres ou des placards à rafistoler, et trouve plus flatteur de visser sa raison sociale sur des billards à quatre ou six pattes joliment tournées dans le chêne, sans fioritures ni marqueterie mais roulants et taillés pour traverser les siècles: Billards Ferdière, Saint-Étienne.
::: Emmanuel Venet ; Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud
Samedi 10 août 2019
Vendredi 9 août 2019
Jeudi 8 août 2019
Mercredi 7 août 2019
L’un fut nommé là par la Compagnie des Postes, arbitrairement ou selon ses vœux ; l’autre y vint parce qu’il avait lu des livres ; parce que c’était le Sud où il croyait que l’argent était moins rare, les femmes plus clémentes et les cieux excessifs, japonais. Parce qu’il fuyait. Des hasards les jettèrent dans la ville d’Arles, en 1888. Ces deux hommes si dissemblables se plurent ; en tout cas l’apparence de l’un, l’aîné, plut assez à l’autre pour qu’il la peignît quatre ou cinq fois.
::: Pierre Michon ; Vie de Joseph Roulin
Mardi 6 août 2019
Lundi 5 août 2019
Dimanche 4 août 2019
Samedi 3 août 2019
Vendredi 2 août 2019
Attendre. Des heures. Des heures. Voir ce que ce qu’on fait de ceux qui attendent. Des mois. Des mois.
Jeudi 1er août 2019
Avant de les brûler pour allumer le feu, Yvonne déchiffrait par bribes les vieux romans-photos abandonnés par Germaine. Ces histoires n’entraient pas en elles ; quelques mots, cependant, lui étaient restés. Elle avait un amoureux, elle aussi, comme les filles qui sentaient bon et secouaient leurs cheveux brillants, le mardi et le vendredi, quand le camion du charcutier s’arrêtait sur la plce, devant chez le garagite ; les gommes étaient là, en combinaison bleue, les manches roulées au coude, sur des avant-bras durs, marbrés de cambouis, les mains grosses et rouges, épaisses, avide de saisir, de palper, de tâter.
::: Marie-Hélène Lafon ; Alphonse (in Histoires)
Mercredi 31 juillet 2019
Mardi 30 juillet 2019
Il y a le souffle du vent. Il pleut là-bas, sur Deauville. Soudain tout s’accélère, ça s’abat, les serveurs se précipitent ; on l’avait pourtant vu venir.
Sur la plage, j’avais marché. J’avais senti quelque chose comme l’ennui, peut-être que cela venait des nuages, ou des parasols, alignés, fermés, autour je tournais, parfois le soleil frappait sur les couleurs, un rien de temps avant qu’un nuage ne ternisse les toiles. Les parasols étaient ficelés, là, debout, comme des gens, c’était comme des gens qui s’entortillent pour se changer dans la pudeur d’une serviette vrillée qui peut retomber. J’avais pourtant dit Je ne vais pas rester. J’avais peut-être oublié qu’il fallait du temps, quelques heures, pour trouver sa place, lâcher prise, aimer regarder les gens et oublier les parasols. Je m’étais assis sur le banc qui portait le nom de Marguerite Duras, j’avais lu ce qu’elle disait de la solitude.
Et donc nous voilà abrités. Là elles veulent un dessert, parce que c’est les vacances. Derrière ils ont peut-être déjà un peu bu. Là-bas il n’écrit plus, sa copine l’a rejoint, ils sont jolis. A ma droite elles reprennent un café et tout cela se calme : d’une éclaircie elles partent profiter.