Vendredi 28 mars 2014

Regarde-les un peu, qui rient et trinquent, qui questionnent, s’étonnent, veulent savoir, veulent en savoir plus, encore, davantage. Entre eux les sujets s’étalent, ils ne vont pas si loin, si loin que nous. Nous, car ce qu’il t’advient m’advient, ricochet aventurier.

Mardi 25 mars 2014

En lisant le roman d’Olivier Steiner, je pensais à la mer. Non pas parce qu’elle était un peu le quatrième personnage du roman, là-bas au loin derrière la maison, mais parce que la mer c’est le calme et la tempête, que l’océan peut être capable de vous emporter impuissant ; une vague et hop. Je n’arrivais pas à me détacher de cette métaphore un peu facile, à cause du flottement, de la noyade, du goût salé, de l’extrême, et pourtant je n’aime pas les métaphores. Je me dis alors soudain que quand on regarde l’océan, derrière l’horizon c’est encore l’horizon et je trouve ça assez joli mais ça n’a rien à voir.

Lundi 24 mars 2014

Il dit qu’après lui il restera à apprendre la patience. Que la patience n’est pas une qualité ou un caractère, elle est une façon d’épouser le temps.

Olivier Steiner, La vie privée.

Dans la salle 1 du Centre Pompidou, je lutte contre le sommeil, sommeil qui m’a manqué la veille et qui, le soir venant, s’était fait discret, résigné d’être ignoré peut-être. Dans la salle 1 du Centre Pompidou passe le film de Florence Lazar, Kamen (Les Pierres), ce film dont je connais le squelette, la genèse, la puissance potentielle. En sortant de la salle le sommeil est loin, l’esprit réveillé par l’objet, par l’efficacité, par la beauté pure du documentaire, par la parole. Parole, parole, et voici qu’elle est double en arrivant à la maison avec les Pinçon-Charlot chez Laure A. Et puis des voix.

Samedi 22 mars 2014

Je n’ai jamais très bien compris pourquoi je gardais tout cela. Tout cela qui a été feuilleté brièvement, stockés dans des classeurs, imaginé sur des enveloppes, fixé sur mes murs d’étudiant, tout cela pourrait être bientôt dans des pages et remplacer les souvenirs (des lieux, des cours, des noms, des rites…). Je comprends alors pourquoi je garde tout cela : l’espoir d’en faire quelque chose.

Vendredi 21 mars 2014

La petite fille est amusante, souriante, on pourrait dire rigolote, les livres font tüt tüt et par la fenêtre on voit les toits de Vincennes. On parle du boulot, de celles qu’il ne voit plus, de nos situations : fragilité, liberté, pénibilité, particularités… la vie privée. La Vie privée, emballée, enfin arrivée, déballé, dédicacée. Déjà commencée.

Jeudi 20 mars 2014

Et puis il me dit que lui aussi, il va partir, loin, de l’autre côté (de l’Atlantique et de l’équateur terrestre).

Mercredi 19 mars 2014

La branche était immense, elle est à présent en tronçons au milieu des murs blancs, c’est beau, étonnant, ça fonctionne, ça remplit l’espace avec grâce, cela me rappelle la dernière fois que la nature – morte – était entrée à la Maison d’art, pour l’expo Labarthe ; des feuilles jaunies et sèches voltigeaient alors. Le reste m’amuse éventuellement, j’aime cette salle à l’étage devenue noire pour l’écran mais dehors il fait un peu froid ; réchauffé par le sourire de Giulia qui se glisse sous ce projecteur à la recherche de mouvements pour remplir son rôle.

Et puis, une fois rentré, il y a quelque chose d’indépassable, ce texte que j’avais lu en septembre 2011, tu étais loin. Tu l’es encore, loin, cette fois c’est le film : Le Camion. Autant sur le Jeanne d’Arc de Bresson les mots me manquaient l’autre jour, autant là je suis… comment dire c’est… ah… sa voix… et lui là… les mots me manquent donc aussi… non mais elle surtout, elle, c’est magnifique, pourvu qu’elle parle encore, quoi qu’elle dise mais surtout ça, la musique des mots et leur portée, elle dit les mots prolétariat, classe ouvrière, et puis ces couleurs, ce camion, la lumière, un peu la même qu’autour du châtaignier avant-hier.

Mardi 18 mars 2014

 » – Je ne sais pas pourquoi, j’avais à l’esprit que c’était mercredi ou jeudi.
– Parce que d’habitude, c’est mercredi ou jeudi.
 »

Courir, courir, courir encore, pour ne pas attendre dix minutes, puis quinze, et puis le soir trente-neuf, trente-neuf minutes, oui, aux heures perdues où plus personne n’attend et où le chauffeur fait comme s’il ne vous avez pas vu dans le rétro malgré votre blouson rouge vif et referme la porte sur vous – bam ! – derrière le petit homme en imper beige. Ne rien dire, essoufflé. Juste bonsoir, peut-être, dans un souffle discret.

Dimanche 16 mars 2014

Bon ben, je reste sur ma naine.

(Parce que le Scrabble® est régulièrement source d’incongruités)

Samedi 15 mars 2014

Une musique de fanfare dans mon dos. Je pense à celle de « Une chatte sur un toit brûlant » mais les enfants insupportables ne sont pas là pour souffler dans leur petite trompette ; le manège ne tourne pas, l’homme attend dans sa petit cabine qu’un gamin ait envie de tourner sur un cheval de bois aux paupières écaillées. Assis sur un banc, je regarde l’horizon brumeux et la Charente dont les rives ont encore cette odeur typique des périodes de crues. Le manège est vide, sentiment d’abandon temporaire, sentiment d’abandon qui rappelle (vaguement) celui qui, plus tôt, régnait là-haut, sur le site de l’ancien hôpital. Je n’y étais jamais retourné : le lieu est vide, les fenêtres sont murées, les murs sont joliment couverts de graffs. Les souvenirs y sont tristes mais lointains, j’ai souri devant ce village fantôme fascinant et photogénique dont je n’ai pas parfaitement capté l’âme. Et puisque c’était le jour de voir Saintes autrement, me voici découvrant la petite salle des Jacobins et redécouvrant l’intérieur de l’Abbaye aux Dames envahie par quelques grincements de hautbois. Soudain, rêver de grands formats précis dans la magnifique salle capitulaire.

Vendredi 14 mars 2014

« Mais c’est tout simplement le premier après le ministre, c’est lui qui fait tout. (…) Il est officier de la Légion d’honneur. C’est un homme délicieux, même fort joli garçon. »
Sa femme d’ailleurs l’avait épousé envers et contre tous parce que c’était un « être de charme ». Il avait, ce qui peut suffire à constituer un ensemble rare et délicat, une barbe blonde et soyeuse, de jolis traits, une voix nasale, l’haleine forte et un oeil de verre.

Marcel Proust. À l’ombre des jeunes filles en fleurs

La glycine aussi était en fleurs en arrivant. Le magnolia l’était encore le matin-même. Et l’esprit était en fête, malgré les heures qui bientôt nous sépareront.

Jeudi 13 mars 2014

« C’est Cardin, alors on peut arriver en retard comme des fleurs ».

Étudiant en retard s’adressant à ses 3 camarades

À la terrasse je raconte à N que le festival Circulation(s) ne m’a pas transporté, qu’il y a chez la plupart des photographes l’obsession d’une série, mais que l’accrochage de la salle 1 était très bien, que quelques travaux étaient intéressants voire beaux (ce reportage en Sibérie), que j’avais beaucoup ri devant les imitations de cette Allemande. En revoyant plus tard mes propres images prises là-bas, je me dis que j’ai peut-être un peu exagéré sur cette idée de l’obsession ; je retiens l’impression de multitude – mais lui en ai-je parlé ? Je revois alors la simplicité des images de Luca Lipi, je me dis que j’ai trop peu regardé celles de Bruno Fert, et je relis le texte que j’ai aimé, accompagnant les photos de Clément Val (« J’appelle ça mon journal, mais c’est me mentir à moi-même : ces images sont presque l’antithèse de mon quotidien, rempli d’ordinateurs et de béton »).

Lundi 10 mars 2014

C’est ton dernier rendez-vous avec une salle, en tout cas le dernier programmé puisque demain tu t’envoles. Les fauteuils sont rouges, les questions claires ; plaisir d’un nouveau moment d’échanges face à un public curieux, attentifs, presque attentionnés. Il n’y a pas le stress, la panne et l’horaire tardif de la dernière fois. Il y a aussi les visages amicaux – V, E, d’autres dont j’ignore le nom -, rares mais présents et au bar du coin, après la projection, V est radieuse, drôle, « évidemment qu’elle viendra si… ».

Samedi 8 mars 2014

Et c’est ainsi qu’on quitta Étretat en mangeant du camembert dans une voiture de location immatriculée en Allemagne.

Vendredi 7 mars 2014

La pause déjeuner remonte en 1914, les tranchées et les coups de canon, les crayonnés et les coups de crayons. C’est au musée de Nogent-sur-Marne, et c’est une approche originale et réussie pour cet inévitable centenaire (et je ne dis pas ça parce qu’il le faut).

Et puis le retard dans la projection, le raté total pour les pizzas. Mais vous croyez vraiment que ça va nous gâcher le plaisir ?

Jeudi 6 mars 2014

Je ne peux pas écrire ici une phrase du livre entamé ce jour, Le Tramway, de Claude Simon. C’est pourtant un choc, des phrases qui m’ont happé, mais des phrases longues, très longues, plusieurs pages si besoin. En lisant, je pense au train qui, de Barcelone, nous avait emmenés jusqu’à la plage ; le soleil est donc définitivement de retour. Sauf le soir : c’est un peu nuageux chez Sophie Fillières.

Lundi 3 mars 2014

La photo montrerait une vis noire dans un mur blanc. Elle évoquerait la fin, c’est à dire ce qui n’est plus – l’exposition – et ce qu’il advient – une pointe de mélancolie. Sur le fond sonore il y aurait encore Chopin.

La citation serait de Cartier-Bresson dont j’ai entamé la lecture d’entretiens.

La critique de film serait celle de « At Berkeley« , traité de fascination d’un réalisateur pour la belle banalité d’une université humaniste.

Dimanche 2 mars 2014

Elle joue. Au piano. Elle m’a de nouveau demandé si c’était moi le photographe. Elle m’a demandé si cela me dérangeait si elle jouait. Pas du tout. Avec plaisir.  Chopin. Je filme. Elle est la bande son de mon exposition, elle habille les images,  elle m’offre la musique qui couvrirait le film. Elle a 87 ans. J’ai donné vaguement rendez-vous,  rien d’officiel, juste comme ça, il n’y aura que deux visiteurs. Dans le salon il fait chaud. Cette fois-ci elle ne raconte pas le conservatoire, les années de musique ; cette fois-ci elle ne dit pas qu’elle attend la mort.

L’exposition est terminée, une page photographique est tournée, page japonaise, et sur l’arrêt de bus un point rouge, drapeau emballé.

« J’arrête pour aller déjeuner. Un temps« .
Alain Resnais à Marguerite Duras.

Samedi 1er mars 2014

Rattraper le temps perdu ou laisser février muet ? Parler du samedi avec tous ces œufs ?

– En même temps au ciné garder des places je sais pas si c’est possible.
– Ben si, on met des sacs.
– On n’a pas de sacs.

Vendredi 28 février 2014

J, Max T, L&P et puis pour terminer ce mois, un épisode de Looking. Un épisode, deux personnages, personne d’autre, personne autour.

Jeudi 27 février 2014

Dans deux jours, cela fera un an que j’ai mis les pieds au CELSA. Et depuis 8 mois j’ai un peu mis de côté la sociologie ; c’est à dire que j’ai mis de côté la lecture des livres de sociologie, parce que la sociologie – et comme elle m’a enrichi – est toujours là, un peu tout le temps, un peu partout, beaucoup chez tout le monde. Voici donc qu’au milieu de tous les livres achetés hier, je plonge dans « La sociologie des pratiques culturelles« , à la recherche de quelques connaissances supplémentaires, de quelques bribes de conversation dans les dîners, de quelque compréhension sur le téléspectateur ou la parisienne cinéphile.

Mercredi 26 février 2014

Sur les étendues caillouteuses du nord du Canada, les maisons ont une allure fragile et des cimetières (de pierres tombales ou de machines abandonnées) viennent rompre l’horizon. C’est là que tu donnes la parole aux habitants : ils parlent de leurs ancêtres comme on aimerait tous pouvoir en parler, simplement, parce qu’ils sont là, en permanence. Les aïeux sont en eux, ils leur ont donné leur nom et – voilà plus surprenant – leur identité.  « How does your mother call you ? » demande le personnage principal. « Dad« , répond la fille. Et ce sont des histoires de résurrection, des souvenirs d’avant-naissance, des réponses chuchotées de petite fille en sweat-shirt Mickey… Tu nous installes avec délicatesse sur cette étrange frontière entre le témoignage d’une réalité et la poésie des croyances. Et en cette période actuelle de questions sur le genre et l’identité sexuelle, tu enrichis le débat d’un regard léger, libre, simple, profondément humain… et merveilleusement lumineux. Enfin !

Lundi 24 février 2014

Voilà que je m’étonne d’avoir le temps, un temps que je prends avenue Montaigne, au fil des vitrines hors de prix. Au PdT les Rencontres ouvrent leurs portes, mais celles de la salle se referment sur une foule trop nombreuse.

Dimanche 23 février 2014

Les JL m’accompagne au JdP : Robert Adams et ses étendues poétiques où parfois le sujet est trop présent, Mathieu Pernot, tournant autour d’un sujet ou deux pour mieux en puiser toutes les ressources. Mais c’est fiévreux que se clôt ce dimanche : Six Feet Under refait surface six pieds sous la couette.

Lundi 17 à vendredi 21 février 2014

Le temps file… Jarmusch nous emballe doucement, mes contrepoints subissent les regards ou s’accompagnent de mes explications, Milestones de Kramer nous revient doucement en mémoire au fil des scène, la séance pointligneplan me berce de ses chansons, de ses orages, de ses silences.

Dimanche 16 février 2014

Ça se veut un hommage à Olympia52, film premier et caché de Chris Marker. Mais… mmm… il faut vraiment en parler ? Non parce que… c’est moche, non ?

Samedi 15 février 2014

On s’étonne des nombreux pas de porte qui se louent ou se vendent, vides, abandonnés ; Chalon est sous la pluie, le musée Denon vide. Un bon restaurant et des lampadaires disproportionnés, l’achat d’un livre sur le merveilleux Saul Leiter, et puis Ziad qui parle de l’esthétique du pourrissement, sans que je sache si c’est voulu ou si c’est une hésitation sur le mot qui convient au verbe « périmer ».  Le travail de C. Cook qui me touche. Les images en 3D, la poésie des images anonymes, orphelines, souriant au passé. Le regard de François C sur mes Contrepoints. Et la moquette verte d’un bar de Dijon.

Vendredi 14 février 2014

Ils sont, eux aussi, dans ce TGV qu’on aurait pu manquer parce que curieusement, bêtement, naïvement, on n’a pas vraiment vérifié, comme si on avait l’habitude de faire ce trajet que l’on n’a jamais fait (toi peut-être ?), alors que, quand on a l’habitude – vers Limoges ou Saintes – on vérifie, une fois, deux fois. Ils sont là, ils entassent dans le wagon leurs valises de clichés, ils sont des « bourges », ils vont à Megève, ils sont tels que vous les imaginez, du beige et un serre- tête, le père peut même lire « SAS » et puis ça chuinte, ça parle fort, et le petit garçon blond en polo bleu pâle assène dans le couloir tandis que vous essayez de lire « Ah ouiii elle est vraiment sympa, on la voit tous les mercredis au polo. » Nous, nous allons à Châlon-sur-Saône, pas de ski, non non, mais le vernissage des trois nouvelles expos du musée Niépce. Pourquoi ? Parce Ziad Antar, parce que P y va, parce que…

Il faudrait alors des paragraphes et des paragraphes pour parler de l’hôtel, du travail de Ziad, du dîner, de la belle collection exposée, des photos de C. Cook qu’on n’aurait pas dû laisser pour le lendemain, etc. Il faut peut-être se limiter à une chose, une émotion, celle devant la photographie de Cartier-Bresson, ci-contre, prise avec mon téléphone portable, quelque chose de rarement ressenti devant une image, l’impression du mélange savant de la perfection et de l’émotion.

Jeudi 13 février 2014

Didi Hubermann, dont l’exposition au Fresnoy avait été un long moment de ravissement, prend une autre dimension au Palais de Tokyo. Les images en mouvement sont à nos pieds, les images fixes sont immenses, et le tout se répond : répand différemment.  Je crois que c’est encore plus beau, cette manière dont les deux se côtoient, ces présences, cette proximité, même si le jeu sonore me semble plus confus. Je crois, mais nous reviendrons pour le confirmer : on file à la pharmacie, y a José L qui offre le sirop pour la toux…

Mercredi 12 février 2014

Je finis par être définitivement exaspéré par ses reniflements et sors un paquet.
Vous voulez un mouchoir ?
Non ça va aller.

Mardi 11 février 2014

Richesse d’un mardi. Une visite guidée pour décortiquer à deux voix les photos glacées de Patrick Weidmann, un spectacle graphique et dansé pour quelques photos, et puis la radio, ta voix derrière la vitre, l’excitation de mon côté (de la vitre, parce que ah la la on n’aura pas le temps d’entendre le morceau en entier). Finir par un dîner aux allures chic.

Dimanche 9 février 2014

Nénette et Boni était un lointain souvenir, trouble, un soir sur Arte probablement. C’est devenu des images nettes, belles, cadrages, couleurs, et puis ce personnage qui oscille entre noir et rose, rose layette, noir fusil. Dehors les camélias offrent leurs premiers signes printaniers, blanc, une touche de rose aussi.

Samedi 8 février

Nogent encore, et puis le hasard d’un dîner qui me rappelle une autre vie – la recherche d’une colocation, l’hésitation d’être si loin, pourtant c’était si grand.  Le hasard, c’est aussi cette constatation, sur 5 convives, d’être 3 webmasters-photographes. Dont 2 qui ont repris de la soupe.

Vendredi 7 février 2014

« Non mais le Polaroïd c’est (*) port moderne. »

* adverbe que j’ai oublié : tellement ? totalement ?

Jeudi 6 février 2014

Blonde sous l’éclairage coloré de l’arrêt du tramway,  je pense que je pourrais la prendre en photo. Et puis elle sort son téléphone, shoote ceux qui, au loin, collent des affiches électorales sur les piliers gris de la petite ceinture, sans honte, avec plutôt une certaine allégresse, peut-être cette excitation de ceux qui savent qu’ils ne devraient pas faire ça,  que c’est interdit, mais que leur jeunesse leur permet tout. Plus tôt, d’autres, plus âgés – des dizaines d’années de service – avaient mis une cravate, été allées chez le coiffeur, mais j’étais arrivé trop tard.

Mercredi 5 février 2014

Métro, ligne 1, départ imminent, ils disent que dix secondes c’est dix secondes et d’autres phrases un peu toutes faites. Heureusement qu’ils ont manqué le bus parce qu’ils n’auraient pas rencontré son ami plombier… Ils sont un croisement entre les Vamps et les petits vieux du Muppet Show. J’étouffe un rire.

Projection dans les quartiers qu’on dit chic, sur cette avenue courte, terminée par un grand portail XVIIIème. Une cinquantaine de regards se pose sur tes films, sur grand écran le mien aussi pour la première fois. Évidemment je ne sais plus trop si j’ai vu exactement le même film ou si, depuis, il y a eu retouche,  remontage léger, quelque chose en plus ou en moins. Il y a l’impression que lui, il parlait plus longtemps, qu’elle, elle revenait plus longuement sur cette idée cosmique… mais c’est toujours la même émotion, la même humanité, les mots d’une incroyable étrangeté, beauté.

Mardi 4 février 2014

Dans l’interview, Emmanuelle Riva s’étonne. Elle a oublié qu’il n’y avait, quasiment, que des enfants dans ses images ; c’était 50 ans plus tôt. Elle dit donc simplement que « Je n’ai photographié que ce qui était ». Elle dit donc simplement que « Tout est autre et ça, j’aime.  Tout est différent, autre, et je me laisse aller à cet autre… »

Lundi 3 février 2014

Il y a l’homme avachi dans le métro, c’est écrit dans le carnet, ça sonne presque comme le titre de Duras. Justement quand j’arrive c’est elle qui parle, elle parle de l’ennui, sur une musique de d’Alessio, c’est très bref, c’est couvert par tes mots et le bruit des casseroles. Elle est donc encore là,  tandis que dans les transports, Resnais lui parlait du Japon.

Dimanche 2 février 2014

Devant les photographies — mes photographies —, elle cache son émotion, moi mon étonnement. Plus tard, elle parlera des motifs qui dépassent leur rôle décoratif, leur simple présence et deviennent le centre, l’objet. Ils avaient attiré mon oeil, mais je n’avais pas pris conscience de leur rôle. Je pensais couleur, signe (distinctif géographique), je ne pensais pas sujet.

Samedi 1er février 2014

Et puis, faisant presque oublier le cinéma (autobiographique, naturaliste, etc.) que l’on vient de voir, le film (Avant que j’oublie, de Jacques Nolot) se termine sur un moment à part, magnifique, bien plus qu’un plan fixe sur un homme travesti qui fume une cigarette.

Vendredi 31 janvier 2014

Il y a eu soudain le souvenir de ce livre que, si je ne me trompe pas, tu m’avais offert le 30 mai 2009. Disons plutôt qu’il y a eu l’idée soudaine que ce livre, Tu n’as rien vu à Hiroshima, était là avant notre Japon et qu’il est forcément une pierre à l’édifice. Mais bon, bref, dans le métro il y a cette adolescente qui s’inquiète de devoir lire En attendant Godot durant le week-end, car le week-end c’est fait pour dormir, entraînant les rires rassurants de ses profs. Et puis il y a le hasard de voir TdP tandis qu’on fait la queue derrière un couple de personnes âgées qui s’étonnent, eux, du hasard le voir dans un manteau de l’armée suisse (disent-ils avec un accent qui ne trompe pas). Et puis il y a ce Sacre de David Wampach, ce dîner Izakayen, et cette soirée qu’on n’attendait pas : danser au Kats en buvant des cosmo au milieu d’une foule autre. Il faudrait alors parler du hasard émouvant qui a amené S ici, des jupes et des moustaches, du souvenir du Sixties,  de ce que tu m’as dit, de ce que j’ai écrit maladroitement sur le chemin du retour, rapidement, pour ne pas oublier le principal, pour ne pas omettre les petits détails.

Jeudi 30 janvier 2014

Soudain, durant « Stalingrad Lovers » de Fleur Albert, je pense au cinéma de Claire Denis. Sur un réseau social j’écris que je ne sais pas trop pourquoi, mais pourtant je le sais, je sais que c’est le film 35 Rhums qui me revient à l’esprit. Parce qu’un Noir dans un train… tu parles d’une trouvaille. Mais au fond, c’est peut-être plus que ça, sans trop savoir pourquoi.

PS. zou bisou bisouuuuuuu

Mercredi 29 janvier 2014

Ces Lettres d’Egypte que tu m’as offertes en sachant qu’elles me feraient plaisir sont merveilleuses. Textes et photos : tu le sais, en ce moment ce type de duo est au cœur de mes lectures, de mes recherches, de mes travaux, de mes projets. Ici, textes et photos se croisent, Guibert et Berger voyagent ensemble et Guibert écrit. La deuxième lettre, adressée à Eugène, est splendide, peut-être pas plus que les autres, mais je la relis et la relis. C’est la grande richesse des livres courts, ils se laissent facilement faire.

Mardi 28 janvier 2014

Cette fois, deux jours après le Fitoussi en travaux, ce sont onze minutes d’un (film de) Tom de Pékin également en gestation. Onze premières minutes d’un long métrage (Haldernablou) qu’on espère voir se réaliser entièrement un jour, tellement le projet est beau, et tellement cette première partie portée par Daniel Larrieu était d’une grâce absolue au milieu d’accoutrements qu’on ne décrira pas ici car il est toujours mal venu de parler de slips blancs et de cagoules à table. La suite sera choré/cinématographiée par d’autres que D.L., et l’on se plait à rêver.

À table, ensuite, petit japonais au comptoir, et puis l’arrêt du bus, scène parisienne qui complète le tableau. Deux femmes, l’une assise, très apprêtée, manteau d’astrakan, coiffure impeccable, l’autre debout, imper vague, cheveux tristes. Elles sont veuves, ne se connaissent pas, viennent juste d’engager la conversation, comme ça… Celle debout reste debout, elle avait été assise, seule, au restaurant. L’autre en astrakan s’en étonne, non jamais elle ne va au restaurant seule, sauf parfois que McDo. Et c’était cher ?

Dimanche 26 janvier 2014

Curieusement, à travers la fenêtre qui n’offre qu’un dimanche gris, c’est un ballon rose qui passe en voltigeant, puis un parapluie de la même couleur. À la Cinémathèque, pensant voir un Fitoussi (Jean-Charles), on voit un Fitoussi, mais en cours / en court, Cavatine, dix minutes seulement mais dix minutes en dehors du monde. Le nom que cela m’évoque ? Eugène Green, pour l’articulation… Je n’ai donc plus peur d’oser les comparaisons ? (Le long métrage qui suit, Le Retour de Frankenstein, est également en dehors du monde, mais de manière évidemment plus frontale*, et c’était presque autant jubilatoire d’être là pour ça).

* ou cervicale.

Samedi 25 janvier 2014

Fleurs d’équinoxe, d’Ozu. (Je disais quoi sur la famille dans les films japonais l’autre jour ?)

Vendredi 24 janvier 2014

Porté par une magnifique voix off d’Eric Caravaca, Les Enfants rouges montre le visage d’une jeunesse en question, une jeunesse caressant des espoirs politiques et amoureux. On repense alors, pour une ambiance, pour le texte pointu, pour la voix, pour le noir et blanc… à quelques merveilles du cinéma des années 60-70… Je cite Jean Rouch ou Perec, c’est peut-être bête ou trop évident, simple ou tout à fait juste. Et ce ne sont pas un ou deux chichis qui gâchent le plaisir : ce plan séquence pleurnichant au début par exemple.