“Vous êtes seul aujourd’hui.” dit-il en me souriant, phrase de connivence. Il est presque midi, les clients vont et viennent ; j’ai connu le café plus calme. Mains froides, j’essaye d’écrire, de décrire, l’homme qui entre avec cette doudoune vert pomme, la femme qui s’installe à côté de moi et sera rejointe par une amie après avoir échangé quelques paroles et un éclat de rire avec la doudoune et après avoir versé dans son café 2 cL de lait. Elle dit “C’est bon” après sa première gorgée, ils disent tellement souvent “c’est bon”, surtout dans les films, oishii, oishii. Elle a aussi commandé un toast, version japonaise, très épais, moelleux et recouvert de matière grasse (beurre et/ou fromage fondu). Je remarque alors, entreposés derrière les moulins à café, des parapluies, une vingtaine au moins, oubliés par les clients peut-être. Couleurs variées, hauteurs variables, certains emballés dans du plastique. 12h32, l’odeur du tabac : un homme en costume fume en lisant le journal.
Plus tard, à la radio, une femme parle du Japon et lit un passage de Tanizaki, de cet Éloge de l’ombre, encore et encore. Elle a quelques minutes et parle d’un Japon de sanctuaires, de temples, de rêverie délicate, qui n’est pas le mien. Qui est dans le mien, on le croise bien sûr, c’est si facile et agréable de le trouver, de s’y glisser, d’y respirer, d’y méditer. Alors elle m’agace, avec sa énième citation de ce livre récemment re-traduit et à nouveau re-re-re-cité. Alors je rebondis sur une autre émission, le même sujet pourtant, Tanizaki encore à la fin, pourtant… Mais cette fois, dans ces mêmes lieux racontés par une journaliste et ceux qui l’accompagnent, c’est le réel cette fois, comme celui d’un sanctuaire où rient des jeunes femmes en quête d’un vœu. Et je souris.