Mon lit, tard. Je relis la phrase de Camille Laurens, page 44 de la version poche de Cet absent-là, marquée d’un petit marque-page autocollant transparent vert:
Ce doit être une chose affreuse que d’entrer mort dans le souvenir.
Je voudrais la garder, l’ingérer. Elle pourrait être un titre d’exposition, la légende d’une photographie.
J’enregistre 2min19 du texte – deux paragraphes – que j’envoie à Thibault. La mort, c’est pour lui. Barthes aussi.
Quel beau texte puissant, me répond-il quelques minutes plus tard. Et puis : « J’avais oublié ta voix grave ».
J’hésite à envoyer ma voix à d’autres que lui. Un autre c’est certain, d’autres peut-être.
Je relis alors tout le chapitre. Il se termine ainsi :
Et sur les tombes : « Le temps passe, le souvenir reste. » Se souvenir : belle utopie blessée des cimetières et des gens qui aiment.
La deuxième phrase pourrait moins être un titre d’exposition, la légende d’une photographie, qu’un chemin pour cette série dont je parle autour de moi – j’en parlais à maman vendredi.
Le matin-même, dans le bus, j’avais déjà oublié le prénom du sourire de samedi soir, évanoui.
Avant le soir, à Manu, à cette terrasse où nous avons tristement perdu nos habitudes, j’avais parlé de vous.