J’ai grandi dans une petite ville, Châteauroux, où la fréquentation de l’art se résumait à la visite du musée municipal. J’ai appris longtemps après l’avoir quittée qu’il abritait des œuvres de Camille Claudel. Je ne les connais pas. Le seul tableau dont je me souviens et que je revois vaguement, parce qu’on s’arrêtait devant, est le portrait du général Bertrand. Le musée portait son nom. Il en était le fondateur.
::: Christine Angot ; La Nuit sur commande.
Inattendues – quoi qu’appréhendée -, la douleur du matin et la vitesse à laquelle elle s’est échappée de mon pied gauche. Ainsi le soir, inattendu, Emmanuel. Puis dans le bar, inattendu, Grégory, c’était autrefois, c’était Paris, rue Pixérécourt, trois soirs je crois, le genre de mec quelque part trop pétillant, trop festif pour moi, à côté je me trouve chiant comme la mort, à côté je suis comme posé là, sans savoir comment entrer dans leur bulle, quand bien même elle m’attire ; j’aimerais être comme ça, je sais l’être parfois. Ce soir il l’est encore, comme sur une autre planète, rire exubérant. D’abord on se sourit, ses yeux pétillent, un grand sourire surpris sur mon visage, je suis content de le voir ; j’attends. Ce n’est qu’une fois Emmanuel reparti que je m’approche. « Ah enfin ! » dit-il, « j’ai cru que… »