Je veux regarder longtemps leurs visage. Leurs sourires en coin, leurs clins d’œil. Celui-là avec la langue tirée, cet autre les yeux fermés. Leurs grimaces sont pleines de soleil.
::: Thomas Vinau ; Je veux regarder longtemps leurs visages
Samedi 1er février 2025
Il a été un impossible, c’était il y a deux ans peut-être, le même genre de foule, le même genre d’ambiance, un autre endroit, les regards avaient insisté, comme jamais je crois. Lorsqu’il s’était apprêté à quitter la soirée, mes mots n’avaient pas hésité mais le couperet avait été net : marié. Malgré les regards, les sourires, les prénoms échangés : marié. Marié et inaccessible, me plongeant en une fraction de secondes dans une déception rarement ressentie, précipice. Depuis, parfois, on se croise, dans ce même genre d’événements, des drag shows, des gens qui dansent. Parfois il n’est pas seul, encore plus marié, encore moins accessible. Il est une de mes rares rancunes.
Il est là, ce soir encore, dans la foule qui sourit. Nous nous saluons lorsqu’il passe devant moi, un sourire, plus tard une question, une réponse : Oui, toujours.
Vendredi 31 janvier 2025
Mardi 28 janvier 2025
Avec Parthiban, il y a encore des recoins d’amitié qu’on n’a pas explorés. On s’y glisse, ce soir, lorsqu’au téléphone il s’agit d’interroger mon travail, et ce que j’écris sur mon travail, comment il le perçoit, le comprend, et donc le traduit. Ses quelques mots sur mon livre, aussi, lorsque il propose d’évoquer cet entre deux entre le dit et le non-dit, là où moi je n’ai rien précisé, c’est un signe fort, c’est simple, c’est évident, et c’est pourtant tellement me connaître.
Lundi 27 janvier 2025
Elle me demande si le fait d’écrire, de créer, vient combler une souffrance.
Elle me demande si je pense être l’absent de quelqu’un, je n’hésite pas, je dis oui, bien sûr, Alex. Je réfléchis, je dis un autre ami aussi, souvent ; je ne dis pas son prénom.
Elle me demande si aujourd’hui il y a une souffrance. Je dis oui, hier, les silences.
Il y a tant d’autres questions. On peut dire beaucoup de choses en trente minutes et cinquante euros.
On peut beaucoup oublier ensuite. C’est mon cas. J’oublie, j’oublie, la séance est un immense brouillard sauvé par quelques notes – quelques mots, quelques phrases courtes – griffonnées.
Elle me demande aussi cela : Si ce n’est pas écrit, c’est comme si ça n’avait pas existé ? Non, c’est pire. Je sais que ça a existé. Et je ne peux rien en faire. L’oubli est parfois un vide effrayant, vertigineux.
Il y a son sourire quand je lui dis le titre de mon livre.
Dimanche 26 janvier 2025
Dimanche rime avec absence, inconfortablement, quand bien même de ma solitude nait un portfolio mis à jour en prévision d’un élan espéré vers le Japon. Et nait mon incertitude, profonde, presque douloureuse. Dors-tu vraiment, aujourd’hui encore ?
Samedi 25 janvier 2025
Les trois spectacles de Trente Trente sont derrière moi, derrière nous, je discute avec Benjamin, Clément, Nicolas, il y a aussi ce garçon vu l’an dernier pour la même occasion, j’ai oublié son prénom, et puis un autre, j’ai oublié son prénom aussi, avant le spectacle on s’était souri, par politesse et un peu par séduction peut-être, Benjamin nous avait présentés : « Vous ne vous connaissez pas ? » Au moment où j’écris ces lignes, on ne se connait pas plus, deux sourires et puis voilà, deux phrases et ça retombe, de toute façon toi tu es là, pas ce soir, pas avec moi ce samedi soir mais là, d’ailleurs je dis que tu existes. On échange quelques phrases avec les autres sur les spectacles, surtout celui de Benjamin Kahn, une claque puissante comme j’aime en recevoir, on devise sur la suite de la soirée, ce qu’on pourrait faire, mes amis rentrent chez eux, mais où sortir à Bordeaux à présent ? Il n’y a plus cet endroit où j’aimais aller, peut-être que je n’ai plus le même âge. Et toi, dors-tu ?

Vendredi 24 janvier 2025
Jeudi 23 janvier 2025
Tu dis qu’un jour, il y aura un soir, une nuit. Il y a pourtant déjà les jours, tous les jours. Pourquoi nos soirées n’atteignent-elles pas ce moment où l’on ne regarde plus l’heure ? Peut-être parce qu’un jour tu m’as chuchoté le sens que tu donnais à cela, peut-être parce qu’on n’en est pas encore là. Peut-être qu’on a peur d’y être déjà ou peur d’essayer de s’y glisser, dans ces heures qui nous nommeraient.
Mercredi 22 janvier 2025
Sur les tartines grillées, j’étale alors la mousse de canard que tu m’as donnée ; tu ne la mangeras pas. La mousse de canard, c’est le souvenir de ma grand-mère Lucette, peut-être les étés où j’y passais du temps, une semaine, deux, j’étais adolescent je crois. Quoi d’autre d’elle ? La médaille de Lourdes accrochée dans ma chambre, des serviettes, l’odeur de la poudre de riz.
Mardi 21 janvier 2025

Comment perçois-tu mes silences ? Comment les entends-tu ? Ceux qui se glissent entre tes phrases ? Moi-même, je ne les aime pas, je ne sais pas d’où ils viennent et je ne les aime pas, ils m’ennuient tout comme ils donnent l’impression que je m’ennuie ou que tu m’ennuies, je n’aime pas celui que je suis dans ces silences, empêtré.
Lundi 20 janvier 2025
Alors l’homme tend le bras. Et le cauchemar commence, l’Amérique.
Dimanche 19 janvier 2025
Samedi 18 janvier 2025
Tard. Chez toi je ne me suis pas endormi, sans doute j’aurais aimé, et puis m’y réveiller. En sortant de chez toi, je fais quelques mètres pour sortir de ta rue et m’approcher des quais, mais la brume est trop discrète, tant pis, je rentre sans images ; celle de l’après-midi suffira. La photographie a pris une autre place dans ma vie, elle n’est plus autant là, elle a quitté le rythme effréné des jours. Une fois arrivé chez moi, je t’envoie un petit mot, disant que je suis rentré : « Je suis rentré. » La phrase qui suit est pour nous deux, tu y réponds rapidement.
Mardi 14 janvier 2025
La maison de mes grands-parents, à Macau, en Médoc, s’agrémentait, sur la façade arrière, d’une véranda. « Véranda » est un mot exotique, bien gracieux pour cet appendice de métal et de verre sale, addition tardive, déparant, en réalité, une jolie demeure du XVIIIe siècle, une de ces « chartreuses » dont les Bordelais sont si fiers et qui conservent aujourd’hui, chez les agents immobiliers, tant d’amateurs.
::: Jean-Marc Planes ; Reste avec nous car le soir tombe
Lundi 13 janvier 2025
Dimanche 12 janvier 2025
Vous êtes là, dans ce dimanche au ciel bleu qui pique, vous êtes l’un et l’autre des mots qui disent ce qu’il faut dire, ou essayer de dire. Toi tu écris le mot violence même si c’est impossible à exprimer tellement c’était indicible, et j’en crève de t’avoir ainsi anéanti — quel verbe employer ? —, de nous avoir ainsi réduits à une conversation qu’on a tous les deux oubliée. Et tu dis que de nous deux je pourrais écrire un livre. Probablement, je réponds. Toi, cet autre qui est maintenant ici et dans les jours qui passent, as-tu lu le mien ? Est-il toujours sur ta table basse à attendre que tu oses m’en parler, que j’ose te demander ? Ce n’est pas dans les livres que l’on sait être ensemble, de toute façon. Mais l’autre jour, je t’ai dit de le lire, mon livre, et que tu comprendrais combien nous pouvions tout oser, combien ce pouvait être simple.
Et puis il y a ce garçon, jeune, quelque chose de beau sans être ravageur, simple, les cheveux noirs, si noirs, la barbe tout autant, nous ferons des photos, bientôt, mais d’abord nous parlons, je raconte mes idées, une série de portrait, une autre, les prénoms qu’on se donne et j’ai envie de cela, capturer son visage. Elle avait disparu, cette envie : je vais mieux, bien mieux.
Aussi il y a les Jean-Luc, le hasard, les kilomètres. Aussi ta voix finalement, malgré tout ou parce que tout.
Et voilà, nous sommes le soir, je finis le livre de Sophie Poirier, ce livre que j’aurais tant aimé écrire, il y a ce passage sur son père, c’est beau. L’envie, aussi, de ça.
Samedi 11 janvier 2025
T’attendre. Mais, malgré ce que dit Barthes, suis-je celui qui attend ?
Vendredi 10 janvier 2025
Jeudi 9 janvier 2025
La douleur, ça s’appelle.
Mercredi 8 janvier 2025
Alors dormir, tôt, si tôt, pour fuir ce qui me tord.
Mardi 7 janvier 2025
Comme un voleur, tu dis. Mais un voleur de quoi ? Dans la pomme un peu plus tard mordue, il y a un ver au cœur, un ver mort qui a laissé son chemin et ses détritus morts aussi sur lesquels je grimace vaguement.
Lundi 6 janvier 2025
Ton corps est là, sur l’écran, sur les images, en elles. Qu’en faire ? Je suis à ce moment de moi où il m’est impossible de les regarder sans être troublé par l’éloignement, la disparition. L’expression « moment de moi » vient comme ça, enfin non pas juste comme ça, elle vient parce que depuis deux semaines je les ignorais, ces images, là, moi qui t’ai tant regardé, tant montré, et tout le monde encore peut te voir, et moi encore et encore je peux te voir, te regarder mais je n’y arrive pas. Et puis, qu’est-ce que tu dirais ? C’était plus simple de faire des mots, des phrases de nous, ça ne reste pas de la même manière, ça n’a pas l’odeur des yeux fermés, le toucher, le même intime, ça n’a pas l’odeur du manque ni le souvenir caressé de tes paysages. Ça ne désire pas, les mots, pas les miens en tout cas, mes textes ne sont pas à cet endroit, ils n’étaient pas à cet endroit de nous. Ce soir ces images sont revenues parce que j’ai repris le chemin de tout ça, ce travail photo/graphique que je creuse et qui intéresse Kévin et dont il veut parler, mais ce sont sur d’autres corps que le tien que j’ai travaillé, des corps d’autrefois, avant nous, loin, loin et bruts, loin de ce que nous étions surtout, des corps rien, rien que des corps.
Au travail bien sûr on me demande comment c’était, les vacances, parfois je mens, je dis que je me suis reposé parce que depuis mercredi, c’était reposant, il y avait les petits losanges, ça aide mais je ne sais même plus si je sais pleurer. Presque je vis à distance cet impossible silence que nous sommes devenus.
Dimanche 5 janvier 2025
Cette station balnéaire n’était pas comme les autres.
Les tamaris tordus ? Mais tous les fronts de mer ont les mêmes arbres penchés.
Les trottoirs, de ce rose fané, avec des fissures ?
Ces vieux panneaux de signalisation en ciment effacés, absurdes ; une flèche bleu marine n’indique rien, sauf un but évident, une seule route ; un sens interdit, d’un rouge pâle ; une interdiction de tourner à droite devenue un monochrome blanc à peine lisible, on pouvait s’engager par erreur, s’en excuser.
::: Sophie Poirier ; Le Signal
Samedi 4 janvier 2025
Vendredi 3 janvier 2025
Sur l’écran, les 120 pages du texte « Ce lieu de l’absence », qui s’est longtemps appelé « Ce que je sais d’Antonio Rodriguez Cuervo ». Comme tous les 6 mois, quand les vacances ont épuisé le rien ou qu’elles approchent de la fin, j’y reviens, je le triture un peu, je m’y épuise, entre contentement, envie de mettre le mot fin, besoin de relever ce défi, sentiment que ça pourrait être mieux.
Il y a quelques jours, pourtant, je disais à maman que je n’avais plus envie de travailler sur ce texte. Je ne sais pas si c’est un effet des cachets en forme de losange, ce plaisir retrouvé, ce truc en moi qui fait dire que ça vaut peut-être le coup.
Jeudi 2 janvier 2025
En attendant son tour elle observe la vendeuse, une petite blonde qui lui rappelle quelqu’un mais qui ? J’ai déjà vu cette fille-là quelque part, se dit-elle, mais où ?
::: Christian Gailly ; Les Fleurs
Mercredi 1er janvier 2025
C’est la fin du jour, ils attendent sur le pont Chaban-Delmas ce moment où le soleil disparaîtra et où le ciel éclatera en un feu dessinant les toits de la ville en silhouettes noires d’encre. Il y a aussi tout là-bas le pointillé bleu de la roue et les lignes rouges du cirque Grüss installés au Quinconces. Parfois c’est une femme seule mais souvent ils sont deux, sans doute s’aiment-ils, je les regarde comme ils espèrent s’aimer encore. Un peu plus tôt Olivier – l’un des nombreux Olivier de mon répertoire – me racontait sa nouvelle vie, faites de désirs inédits, d’audaces qu’il bafouille. Jamais nous n’avions abordé cela, ce qui fait corps et soupirs, légèreté. Un peu plus tôt tu m’as dit qu’on avait encore des choses à découvrir ; tu avais ce sourire des jours qui ne savent pas, les yeux endormis d’une nuit qui n’en était pas une.
Mardi 31 décembre 2024
Pleurer le matin, pleurer le soir, entre les deux rien de cela, regarder maintenant, regarder devant, regarder demain, relever les manches et les défis, vivre en ce jour des instants que je dis inédits, faits de petits plaisirs et de sourires idiots ou immenses, d’achats basiques, d’un petit vase danois, d’une note de poissonnier salée, des sequins de vingt heures trente, d’un « Je te serre fort » qui finit notre année.
Je traverse minuit seul, moment voulu et nécessaire pour être bien avec moi-même et avec vous deux, sans vous deux. J’aime vivre ainsi ces moments de la vie où l’on regarde la pendule en se disant « Voilà », apaisé, sans regards, pas même le mien dans un miroir. J’aime quelque part les rendre, ces moments, ces virages du temps, à la banalité de ce qu’il sont, une fraction de seconde. Je préfère vivre pleinement d’autres heures imprévues que donner à ces rendez-vous obligatoires une présence malvenue. M’amuser, ce soir, aurait été malvenu, impossible. J’attends demain matin, j’attends mon renouveau. Alors je me ressers un verre, Pessac-Léognan, 2012. Dans la douceur de la nuit, quelques messages, je souris.

Lundi 30 décembre 2024
Dimanche 29 décembre 2024
Tu ne sais pas ce qu’il faut croire dans mes mots et nos souvenirs. Sache pourtant que tu as tant été là, et que tu l’es encore. J’ai été surpris, je n’ai pas cru, j’ai voulu croire, j’ai vu les évidences et l’impossible, j’ai attendu, essayé, espéré, désiré, voulu, hésité, refusé de partir, eu peur, échoué, et tous les verbes du monde ne sauront exprimer ma confusion devant ta douce jeunesse, les années qui nous séparaient, mon visage refusé sur nos selfies souriants, ces rares moments ensemble, ta force, tes yeux, ton rire et le mien, cette inégalable complicité, nos solitudes, mon besoin d’être là pour toi, ces faiblesses en moi que personne n’a regardées comme toi et tout ce que j’oublie. Traversé par des mois inédits, j’ai finalement été un monstre qui cherche peut-être un chemin qui n’existe nulle part, qui ne sait pas dire, qui dit au mauvais moment, au mauvais endroit, de la mauvaise manière, sautant dans le vide avec la peur derrière et l’inconnu devant, croyant en un saut se sauver du tumulte. Je pleure encore parfois.
A partir d’aujourd’hui, ici, je ferai silence de nous. Je n’attendrai pas le 31 décembre pour regarder derrière, pour rappeler que mon année a commencé avec toi, à Marseille, dans une chambre d’hôtel aux draps blancs. Toujours les draps sont blancs dans les chambres d’hôtel. Combien en avons-nous froissés ? Toujours c’était des lits jumeaux, c’est ainsi qu’on dormait, à notre manière d’être ensemble mais pas ensemble. Toujours on les rapprochait. C’est dans une chambre d’hôtel qu’on s’est connus, à Lyon, en mai 2023. On s’attendait un peu, depuis des mois, on connaît la date précise. Toi et moi on la connaît, on se la rappelait. Si je l’oubliais j’en avais la trace. J’oublie. Trop. Tout. Même ce qui est important. Même ce que je veux garder en moi.
Mon année se termine sans toi, nulle part, aucun drap froissé, pas même les tiens roses. Nos corps séparés à cause de moi. Ce soir, après qu’on a échangé, après que tu as dit ta douleur de m’écrire et le besoin de faire signe, ce besoin qu’on partage pour dire qu’on pense à l’autre, j’ai dicté un texte, il y avait des mots que je ne t’ai jamais dits. Il y avait la mort, aussi.
Samedi 28 décembre 2024
Vendredi 27 décembre 2024
Sans doute faudrait-il regarder ailleurs pour ne pas enfoncer ce journal dans le tumulte des jours, dans le croisement de vos présences, puisqu’ici à qui dois-je aujourd’hui m’adresser ? Vos visages s’imposent ; le tien est toujours sur mon écran, noir et blanc nostalgique des heures possibles, il ne me regarde pas ; le tien sourit en franchissant la porte. Je suis dans un piège, ce journal est un piège tout comme il peut être une lumière, une caresse. J’imagine que tu le lis et que tu attends, que tu ne veux pas savoir les sourires et j’ai hésité à les taire. Ce journal est une vérité qui s’impose et un mensonge, il omet, traître, il veut faire poésie les oscillations colorées de mes pensées qui passent du gris au rose puis au gris. Comment recouvres-tu le bruit de la rue ? Je cherche un synonyme au mot silence mais le dictionnaire ne m’offre rien que des douceurs.
Alors faudrait-il regarder le rythme des jours, le déjeuner avec Jean-Luc, le café avec Julian et Manu, cet album de Bang Gang que j’avais oublié, ce morceau d’émission de radio où Nicolas Mathieu parle de la langue de Céline alors je pose Voyage au bout de la nuit sur la table de chevet, réticent. Ainsi quand vient l’heure de l’ouvrir, je comprends que c’est impossible. Je ne peux pas. Mon corps ne peux pas. Le style, je le trouverai chez d’autres.

Jeudi 26 décembre 2024
Comment nous guérir de ça ? Je cherche les mots qui me libèreraient, parce que je n’ai pas les armes aujourd’hui pour te sauver toi, de ça, de moi, alors j’essaye au moins de me sauver moi, de nous, de moi, de ça, ici. Mais je suis lourd, tout est lourd, trop lourd à porter, j’ai ce poids dans la tête, expiation, page blanche. Écrire m’a parfois aidé ; je cherchais, dans le beau que j’essayais de faire naître, l’étouffement de l’horreur, j’y parvenais un peu, suffisamment. Mais aujourd’hui, j’ai en creux ces silences, comment pouvons-nous ainsi être silences ? J’ai ta douleur en moi ; comment la dire ?
Mercredi 25 décembre 2024
Mardi 24 décembre 2024
Lundi 23 décembre 2024
Par-dessus tout, ce que j’aime dans cette maison, c’est l’espace. L’espace intérieur, et encore plus, l’espace extérieur, cette grande vue sur la vallée de l’Oise et les étangs de Cergy-Neuville. La vue change tout le temps, la lumière n’est jamais la même sur les étangs. La lumière qui va jusqu’à Paris puisque d’ici on distingue la tour Eiffel. Le soir, je la vois illuminée. À la fois proche et loin. Je crois que ça correspond bien à ce que je ressens vis-à-vis de Paris, peut-être même par rapport à ma place dans le monde. Paris au fond — ça peut paraître curieux de dire ça — je n’y rentrerai jamais.
::: Annie Ernaux ; Le Vrai Lieu – Entretiens avec Michelle Porte
Dimanche 22 décembre 2024
Alors dans des mots que j’aurais aimé ne jamais prononcer, je nous fracasse. Je détruis demain de mes incertitudes et de mon abandon, des mains d’un autre peut-être.
Samedi 21 décembre 2024
À cette époque-là, c’était toujours fête. Il suffisait de sortir et de traverser la rue pour devenir comme folles, et tout était si beau, spécialement la nuit, que, lorsqu’on rentrait, mortes de fatigue, on espérait encore que quelque chose allait se passer, qu’un incendie allait éclater, qu’un enfant allait naître dans la maison ou, même, que le jour allait venir soudain et que tout le monde sortirait dans la rue et que l’on pourrait marcher, marcher jusqu’aux champs et jusque de l’autre côté des collines. « Bien sûr, disait les gens, vous êtes en bonne santé, vous êtes jeunes, vous n’êtes pas mariées, vous n’avez pas de souci… » Et même l’une d’entre elles, Tina, qui était sortie boiteuse de l’hôpital et qui n’avait pas de quoi manger chez elle, riait elle aussi, pour un rien et, un soir où elle clopinait derrière les autres, elle s’était arrêtée elle s’était mise à pleurer parce que dormir était idiot et que c’était du temps voler à la rigolade.
::: Cesare Pavese ; Le bel été
Vendredi 20 décembre 2024
Samedi 14 décembre 2024
Lundi 16 décembre 2024
Jeudi 12 décembre 2024
Si je devais réfléchir à ce pour quoi j’ai commencé à écrire, je dirais que la littérature, pour moi, consiste à décrire de beaux jeunes hommes. Des garçons partout, des garçons tout le temps: le projet vain d’un voyeur innocent. Mais à force de buter, le désir s’est usé.
::: Robin Josserand ; Prélude à son absence
Mercredi 11 décembre 2024
Tram. Les mots dans le livre d’Annie Ernaux me ramènent ailleurs, à janvier, à mon absence dans une chambre d’hôpital avant la sienne immense. Alors je pleure ; peut-être qu’on me regarde.
Mardi 10 décembre 2024
Lundi 9 décembre 2025
Fin 85, j’ai entrepris un récit de sa vie, avec culpabilité. J’avais l’impression de la placer dans le temps où elle ne serait plus.
::: Annie Ernaux ; Je ne suis pas sortie de ma nuit
Dimanche 8 décembre 2024
Vendredi 6 décembre 2024
Mardi 3 décembre 2024
Lundi 2 décembre 2024
Dimanche 1er décembre 2024
Samedi 30 novembre 2024
Vendredi 29 novembre 2024
Je ne connaîtrai jamais les véritables raisons de la séparation de mes parents. Il devait pourtant y avoir un profond malentendu dès le départ. Un vice de fabrication dans leur rencontre, un astérisque que personne n’avait vu, ou voulu voir.
::: Gaël Faye ; Petit pays
Jeudi 28 novembre 2024
J’ai toujours voulu écrire comme si je devais être absente à la parution du texte. Écrire comme si je devais mourir, qu’il n’y ait plus de juges. Bien que ce soit une illusion, peut-être, de croire que la vérité ne puisse advenir qu’en fonction de la mort.
::: Annie Ernaux ; L’occupation
Mardi 26 novembre 2024
Dimanche 24 novembre 2024
Samedi 23 novembre 2024

Malgré l’épuisement, malgré la nuit prolongée devant le film du matin grignotant Rosselini sans vergogne, malgré la journée déjà bien entamée, folie légère, nous partons. Là-bas il y a les oiseaux. Même nous verrons la mer dans la nuit ; avant on croyait entendre les vagues mais ce n’était que le vent.

Vendredi 22 novembre 2024
L’appartement de notre mère, près de la Porte de Saint-Cloud, est devenu un capharnaüm sans vie qui dégage une tristesse poignante. Mon frère et moi nous employons à le vider de ses meubles, de ses livres, de tout ce que maman avait acquis au fil des années et de ce qui lui vient de ses parents : un précieux bric-à-brac qui a l’étrange pouvoir de raconter plusieurs générations, plusieurs vies.
::: Anne Wiazemsky ; Hymnes à l’amour
Il y a dehors ceux qui craignent le froid et la pluie, les hommes assis sur le trottoir sous d’épaisses couvertures de peu, presque on les enjambe, on ne sait ni dire ni faire ni les regarder vraiment et puis il y a les femmes grimaçant sur des vélos. Hier je suis resté chez moi, je n’ai rien vu, rien vu que la pluie qui frappait les carreaux. Je ne sais même pas s’il faisait froid dehors, je n’ai pas franchi la porte, pas ouvert la fenêtre. J’avais aimé ce cocon, j’avais travaillé à l’abri des autres.
Jeudi 21 novembre 2024
Il est de ceux qui sont passés. Nous parlons, moi ici, lui là-bas, Niagara. Nos mots reviennent encore sur ce qui n’a pas existé, n’existe pas. Je ne sais plus trop pourquoi.
































